Le premier laisse de la place à Dieu, et à l’autre. Pas le second.

Lors de la scène racontée par Jésus dans la parabole du pharisien et du péager (Luc 18,9-14), les traits et les attitudes de chaque personnage sont intentionnellement exagérés. Leurs positions corporelles incarnent de façon concrète ces différences. Le premier est debout, les bras peut-être étendus. Il s’est placé probablement au centre du temple, prenant toute la place. Le deuxième, se tenant à une distance discrète, les yeux baissés, est vraisemblablement recroquevillé sur lui-même. Une question pourrait alors se poser : quelle attitude corporelle serait la plus appropriée pour communiquer avec Dieu ? Ou pour le dire autrement : Comment posons-nous devant Dieu ? Nous mettons-nous debout, à genoux, par terre ? Nos yeux sont-ils fermés ou ouverts ? Notre attitude participerait-elle à notre justification ? En effet, en se référant à la prière du péager Jésus déclare : « celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre ».

Le cœur

Toutefois, il me semble que dans notre parabole, l’attitude corporelle ne vient pas en premier. Elle n’est que le reflet d’une autre attitude, celle du cœur. Le dialogue intime entre le péager et Dieu se révèle à la fois à travers les paroles prononcées et aussi à travers le corps du priant. D’ailleurs, l’appel très court du péager « Ô Dieu, soit apaisé envers moi pécheur. », implique à la fois une demande de pardon et un désir de réconciliation. C’est un mouvement, un élan du cœur qui ne peut rester caché. En re-visualisant la scène, il est aisé de voir le pharisien, non seulement debout au centre, mais avec les bras tendus comme s’il balayait l’espace autour de lui. Dans son for intérieur, il est tellement plein de lui-même qu’il n’y a tout simplement plus de place ni pour Dieu ni pour l’autre. Son attitude extérieure et corporelle reflète son attitude intérieure. Le pharisien remplit, à lui tout seul, son univers intérieur et extérieur. Comment la grâce pourrait-elle trouver une niche dans de telles conditions ?

Plus loin, le péager lui, reste discret, laissant de la place pour les autres, pour ceux qui voudraient pénétrer dans le temple. Il représente aussi une figure d’humilité ; vide d’une préoccupation de soi, il est prêt à recevoir. Son cœur n’est rempli ni d’arrogance ni d’apitoiement sur lui-même. Il ne liste pas ses mérites, estimant qu’il n’en a pas. Mais il ne dresse pas non plus une liste de ses fautes ou de ses péchés. Il est dans une attitude de réconciliation avec Dieu. Un tel positionnement lui permet de se réconcilier non seulement avec Dieu et avec lui-même mais de s’ouvrir vers les autres. Il peut accueillir la grâce. De par sa prière il crée de l’espace dans son cœur et autour de lui. À mon sens tout est une affaire de cœur. Y a-t-il de l’espace pour Dieu et pour les autres ? La grâce y trouve-t-elle une niche ?

Anne Miller, pasteure à Bordeaux