Un débat polémique où les croyants ont encore leur mot à dire.

Les deux géants de la Silicon Valley ont créé le buzz récemment en proposant de prendre en charge le coût de la congélation des ovocytes de leurs (futures) salariées. Ainsi, zou… on met ses gamètes au congélo et on se consacre aux choses sérieuses : monter les échelons, gagner de l’argent en suffisance pour pouvoir un jour assurer l’éducation d’un enfant. L’histoire ne dit pas si la généreuse proposition des multinationales comporte un minimum d’années de mise au frais pour que l’accord financier conclu avec la salariée autour de ses gamètes ne soit pas considéré comme rompu mais on peut supposer qu’un tel accord implique des contraintes de part et d’autre. Et c’est là que l’affaire commence à nous interpeller sur le terrain du spirituel.

Quelle place pour le temps de Dieu ?

Selon certaines Écritures que nous pratiquons, nous protestants, le projet de Dieu pour l’humain, c’est que « l’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à sa femme, ils deviendront une seule chair » (Ephésiens 5,31) et concevront leurs descendants en un temps plus ou moins long, plus ou moins choisi (plutôt plus de nos jours d’ailleurs, sauf en cas d’infertilité subie). On ne peut que s’interroger sur ce qu’il adviendrait alors du « temps de Dieu », cette écoute que tout croyant a plus ou moins consciemment du projet que Dieu a pour sa vie et qui fait qu’un jour ou l’autre, aboutissement d’une rencontre que l’on a pris le temps de choyer, un enfant est conçu dans un moment d’osmose.

Quelle place pour le partage ?

Cette alternative proposée à la femme de retarder sa maternité paraît certes très généreuse, sauf que c’est tout un projet de société qui se joue autour de l’éprouvette. La femme quittera donc son père et sa mère et s’attachera à l’Entreprise, au point de lui confier ses gamètes. Quelle conception du partage de son temps, de ses projets au sein du couple et plus largement de la famille et de la société veut-on promouvoir avec un tel projet ? Quel besoin d’un père
d’ailleurs alors qu’il y a des donneurs anonymes en stock et qu’on n’a pas eu l’occasion ou le temps de construire une relation, tout occupée à œuvrer pour l’essor de l’Entreprise ? Quel temps est-on prêts à accorder à l’enfant ? Alors que l’on s’en remettait naguère au fameux « temps de Dieu », va-t-on glisser vers un monde où l’Entreprise, royaume de l’argent-roi, des sphères de pouvoir et de l’individualisme, prendra la place de ce « Dieu voulant » ?

Le déni de l’espérance…

Nul ne peut servir deux maîtres, nous dit l’Écriture. Sans renier l’inéluctable évolution de la science et la non moins inéluctable évolution de la place de la femme dans le monde économique, il faudrait peut-être se rappeler le cantique de notre enfance, en écho à une parabole de Jésus, « Le fou sur le sable a bâti sa maison, le sage sur le roc a bâti sa maison… et la tempête arriva » (Matthieu 7,21-27).
Quel sera l’avenir d’une famille construite sur les sables mouvants de l’économie ? Pire, quel est l’avenir de l’humain dans un monde coupé à ce point de l’espérance que procure la certitude que « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Romains 8,28)… même, parfois, un bébé conçu hors planning ? Et si Marie avait fait congeler ses ovocytes, serions-nous aujourd’hui au bénéfice du salut par grâce (sourire…) ?