Les miracles comme démonstration de la puissance divine

La première attitude possible consiste à ne pas remettre en cause leur historicité. Les miracles deviennent alors des démonstrations de la puissance de Dieu ou de Jésus-Christ : si Jésus est capable de faire de tels actes extraordinaires, c’est qu’il a vraiment une puissance surhumaine, et il est bon, donc, de croire en lui. Souvent, une telle théologie s’accompagne de l’idée que si Dieu a fait des miracles par le Christ, il peut bien continuer à en faire, on peut alors attendre de tels miracles pour aujourd’hui, que ce soient des guérisons, ou une foi dans une véritable providence matérielle. Cette attitude a au moins l’avantage d’une certaine cohérence. Si l’on croit que Dieu a fait des miracles du temps de l’Évangile, pourquoi n’en ferait-t-il plus aujourd’hui ? Si l’espérance de l’Évangile est comprise comme le fait que le Christ guérisse physiquement, pourquoi ne serait-ce plus ce que l’on attendrait de lui aujourd’hui dans nos Églises ?

Croire aux miracles ou croire malgré les miracles

Si l’on n’attend pas aujourd’hui des miracles matériels de la part du Christ dans nos vies, alors il faut lire les récits de l’Évangile autrement, sinon ils n’ont plus rien à nous dire.

Par ailleurs, le problème d’une lecture matérielle des miracles, est multiple. Tout d’abord il est discutable de penser que ces miracles puissent être des démonstrations de puissance de la part du Christ. Souvent dans l’Évangile, des gens lui demandent des miracles pour croire en lui, et à chaque fois il refuse, comme en Mc 8,11-12 : « Les pharisiens […] lui demandèrent un signe venant du ciel. Jésus, soupirant profondément en son esprit, dit : Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe ? Je vous le dis en vérité, il ne sera point donné de signe à cette génération. » De même, quand il est sur la croix, certains disent : « Qu’il descende de la croix et nous croirons en lui » (Mt 27,42), mais Jésus ne le fait évidemment pas. Et de même encore, souvent, quand il opère une guérison, il interdit à celui qui en a bénéficié d’en faire de la publicité, ne voulant pas que l’on croie en lui à cause de cela. Il ne semble pas que le Christ ait voulu se servir des miracles pour qu’on croie en lui.

Par ailleurs, et dans un domaine plus subjectif, une lecture littérale des miracles suppose une capacité à croire à ce qui est contraire à la raison ou à la science, qui n’est pas le fait de tout le monde, et rien ne permet de dire qu’il faille imposer une telle contrainte à celui qui veut être chrétien. De plus, une telle lecture ne peut se faire que dans le cadre d’une théologie prônant la possibilité de l’intervention toute-puissante de Dieu dans le monde matériel. Or, cette option théologique est fort discutable et n’est en tout cas pas, une condition indispensable pour être chrétien (sauf du point de vue de certaines sectes). Le fait est que nombreux théologiens chrétiens sont loin de souscrire à une telle croyance. Si donc certains croient grâce aux miracles, tant mieux pour eux, mais qu’ils laissent les autres croire malgré les miracles. […]