Parfois, on se demande si l’année liturgique n’est pas un prétexte pour faire bombance. La notion de fête, dans les siècles passés, allait souvent de pair avec une alimentation particulière, abondante et riche, qui rompait avec un ordinaire frugal. C’est particulièrement vrai pour la Chandeleur. Faites un sondage autour de vous : qui connaît vraiment la signification religieuse de ce jour ?

Origines païennes

Chez les Celtes, la fête de Imbolc avait lieu le 1er février. Ce rite en l’honneur de la déesse-mère Brigit célébrait la fertilité au sortir de l’hiver. Les paysans portaient des flambeaux et parcouraient les champs en procession, priant la déesse de purifier la terre avant les semailles. À Rome, c’est tout le mois de février qui était consacré aux purifications (februare signifie purifier), car là aussi c’est le moment des nouvelles semences. Il faut accomplir certains rites pour que la terre reprenne son cycle de fécondation. Ce qui reste des grains non semés est utilisé pour faire des galettes plates – des crêpes – dont la forme ronde évoque le soleil, qui revient plus largement en cette période de l’année. Février est en effet le mois où les jours rallongent enfin de manière significative. Par extension, la purification de la terre féconde entraîne celle des femmes, enceintes ou souhaitant le devenir, pendant les jours des Lupercales, toujours en février.

Une cérémonie particulière consistait pour les femmes à porter des peaux de chèvres, appelés manteaux de Junon, jusqu’au temple de la déesse, qui est devenu la basilique de Sainte-Marie Majeure. En 494, le pape Gélose condamna cette fête en lui substituant celle de la Purification de la Vierge, avec une procession qui s’achevait dans la basilique. Ainsi les habitudes étaient conservées tout en changeant de sens.

Christianisation

Dès le IVe siècle en effet, l’Église christianise les vieilles superstitions en incitant à des processions le 2 février pour la fête de purification. Les fidèles parcourent la ville avec chants et litanies, portant des cierges bénis (ou chandelles, d’où l’origine de chandeleur), donnés par les prêtres. Les vertus purifiantes des flammes doivent chasser les ténèbres, assimilées au mal. Les fidèles rapportaient ensuite chez eux ces chandelles qui devaient protéger le foyer pour l’année à venir. Aux premiers siècles, la fête était plus populaire en Orient, et ne se répandit en Occident qu’au Moyen Âge. Ce jour de purification venait s’ajouter à la présentation de Jésus au Temple 40 jours après Noël, donc le 2 février, car la naissance du Christ a été fixée au 25 décembre depuis au moins le IVe siècle. C’était aussi lié à un rite de purification, puisque c’était le jour des relevailles de la Vierge : après un accouchement, toutes les femmes devaient accomplir des rites particuliers au moment où elles redevenaient fécondes.

Cette journée vient clore le cycle de Noël ; le 2 février est aussi le jour où la tradition commande de ranger la crèche. Dans les innombrables rites qui entourent la préparation des crêpes, certains se maintiennent de nos jours. La tradition commande par exemple de les faire sauter avec une pièce d’or dans la main, gage de prospérité pour l’année. La première crêpe (souvent ratée), doit être gardée dans une armoire, ou sauter jusque sur le sommet d’une armoire, et mise de côté. Cela assurera une bonne récolte et évitera la misère et le dénuement dans la maison. Nombreux sont ceux qui ont oublié les vieilles coutumes, ou du moins leur signification. Signe du soleil qui revient, les crêpes continuent cependant d’apporter la joie dans la maison.

Article publié pour la première fois en février 2017