« Tu ne tueras point » marque le grand retour de Mel Gibson derrière la caméra.

Desmond Doss s’est vu remettre cette médaille des mains du Président Harry Truman en octobre 1945, avec un éloge soulignant « son extraordinaire bravoure et sa détermination à toute épreuve face au danger ».

Quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté, Desmond, un jeune américain, s’est retrouvé confronté à un dilemme : comme n’importe lequel de ses compatriotes, il voulait servir son pays, mais la violence était incompatible avec ses croyances et ses principes moraux. Il s’opposait ne serait-ce qu’à tenir une arme et refusait d’autant plus de tuer. Il s’engagea tout de même dans l’infanterie comme médecin. Son refus d’infléchir ses convictions lui valut d’être rudement mené par ses camarades et sa hiérarchie, mais c’est armé de sa seule foi qu’il est entré dans l’enfer de la guerre pour en devenir l’un des plus grands héros. Lors de la bataille d’Okinawa sur l’imprenable falaise de Maeda, il a réussi à sauver des dizaines de vies seul sous le feu de l’ennemi, ramenant en sureté, du champ de bataille, un à un les soldats blessés.

Disons-le tout de suite, pour moi ce film est bouleversant, d’une force incroyable tant par l’histoire racontée, les émotions présentes que par la force d’immersion que déploie Gibson pour nous donner d’entrer au cœur du combat bien réel et plus intérieur du héro de l’histoire. Précisément sur ce dernier point, Mel Gibson ne faillit pas à sa règle d’hyper réalisme (parfois sans doute trop poussé jusqu’à l’overdose). Mais là, cette façon de faire prend sens plus particulièrement. Au-delà de la mise en scène léchée et captivante, les scènes de guerre sont à couper le souffle. La réalité de l’horreur du combat, de la mort est là tout autour de nous, le spectateur se trouvant au cœur de la bataille. Pour ces séquences, le producteur Bill Mechanic assure que Mel Gibson a fait preuve d’une vision et d’une créativité́ remarquables. « Mel a vraiment l’œil pour ce genre d’action, il va droit à l’essentiel. » dit-il. Il déclare par ailleurs : « L’objectif était de montrer aux spectateurs que cet endroit était le pire de l’enfer, tel que l’ont vécu ces hommes. » Pour aboutir à ce résultat, Mel Gibson use de mouvements de caméra et de ralentis parfaitement maîtrisés.

Mais avant d’en arriver là dans le film il y a deux autres périodes qui précèdent, car la construction du récit est aussi un élément fort de « Tu ne tueras point ». Trois parties distinctes, comme trois actes d’une pièce de théâtre. On commence avec Desmond Doss dans sa sphère familiale et amicale pour le retrouver ensuite dans sa formation militaire pour aboutir finalement au combat. Durant ces deux premiers temps, on apprend à connaître Desmond. On le voit évoluer, grandir, aimer, puis choisir, subir et tenir ferme. On comprend petit à petit ce qui sous-tend ses convictions faites d’une foi sincère en Dieu mais faites aussi de blessures intimes, profondes. L’utilisation de flashbacks qui parsèment le déroulement de l’histoire sont aussi une belle façon d’entrer dans la psychologie de Desmond. Le  film s’ouvre d’ailleurs avec cet accident où Desmond a failli tuer son frère, comme une revisite de l’histoire de Caïn et Abel. Ce qui m’amène à évoquer également les nombreuses métaphores bibliques. Celle particulièrement du Sauveur qu’incarne Desmond dans sa capacité à se donner pour les autres, un par un… comme un rappel que le salut est offert individuellement… Desmond Doss fait une prière qui revient comme un refrain dans le long processus qu’il entame à porter secours, seul sur la colline, à ceux qui y sont blessés. Il dit : « Par pitié, Seigneur, aide-moi à en sauver un de plus. Un de plus. ». Une vraie figure Christique étonnante. On appréciera pour augmenter cet effet, les plans en contre-plongée qui se chargent de donner un relief vertigineux au calvaire du protagoniste. Desmond partira au feu, tel le bon berger, à la recherche de chacune des brebis perdues, dont il pansera les blessures une par une, pour les ramener à l’abri. Chacun de ses gestes prend quasiment alors une dimension prophétique. On trouve aussi une sorte de remake de la parabole du fils prodigue mais avec une inversion des rôles. Si c’est l’enfant qui part, le retour passe ici par le père qui le rejoint pour le soutenir, le défendre et permettre à son projet de se réaliser. Une scène très forte dans un tribunal militaire qui se conclut par ces mots de Desmond à Dorothy, sa fiancée : « Quand tu rentreras, dis-lui que je l’aime ».

En fait, les thématiques sont multiples et ce film peut aussi être vu comme un véritable outil de réflexion et de débat. À noter d’ailleurs, que la société de distribution SAJE propose un dossier pédagogique pour aider à la réalisation d’un ciné-débat, agrémenté par plusieurs annexes extrêmement riches, allant d’un témoignage d’objecteur de conscience à des apports éthiques et théologiques de grandes qualités. http://www.sajedistribution.com/film/tu-ne-tueras-point.html

« Tu ne tueras point » se termine enfin avec des images d’archives, Mel Gibson ayant eu la politesse et l’intelligence de rendre hommage au vrai Desmond Doss, à sa trajectoire qui, certainement, vous laissera abasourdi en fin de séance, et à plusieurs des protagonistes de l’histoire. Riche intention qui parachève ce petit bijou de cinéma qui restera sans aucun doute comme l’un des plus beaux films de cette fin d’année… beau et bon !