Par Nicole Roulland-Rupp, pasteur à Chambéry

Une vingtaine de pasteurs de la France entière est partie à la découverte du Maroc en mai dernier. Ce voyage n’avait pas pour but le simple agrément des participants, mais bien la découverte de la réalité de la vie des Églises sur place. Organisée par la Communion protestante luthéro-réformée (CPLR), cette rencontre dans le cadre de la formation permanente des pasteurs avait pour thème Communautés chrétiennes en pays musulman : la mission comme expérience de dépouillement.

À Meknès, c’est la communauté franciscaine qui nous a accueillis, poignée de frères dans une vaste bâtisse au cœur de la ville. Ils proposent simplement leurs services avec les moyens qui sont les leurs : une bibliothèque, des ordinateurs, mais également des cours qui bénéficient actuellement à 1 800 élèves, grâce à 40 professeurs bénévoles, la plupart musulmans. La mission de ces frères franciscains est simplement d’être là et de porter les valeurs de l’Évangile.

Un judaïsme qui s’éteint

À Fès, c’est le rabbin qui nous ouvre les portes de la synagogue. Le judaïsme est une des deux religions officielles au Maroc avec l’islam. Ce n’est donc pas un certain antisémitisme qui a chassé les juifs du Maroc, mais la création de l’État d’Israël en 1948. En 1947, on comptait 14 000 juifs à Fès, aujourd’hui ils ne sont plus que 50. D’ici quelques années, le rabbin estime qu’il n’y aura plus de juif dans la ville, il partira donc lui aussi. À Fès toujours, nous avons assisté au culte de l’Église évangélique au Maroc (EEAM), à l’issue duquel nous avons rencontré une famille de marocains chrétiens, bien qu’un marocain ne puisse être officiellement que juif ou musulman… Pour l’instant, il est difficile pour des marocains de se convertir au christianisme. En général, ces nouveaux convertis se retrouvent de façon clandestine pour des cultes de maison. Le roi, moderniste et très occidentalisé, souhaite que cette situation évolue et que les marocains puissent intégrer les Églises officielles.

Auprès des migrants

Les membres de l’EEAM ont créé un Comité d’entraide internationale (CEI) afin de venir en aide aux migrants. Être migrant, ce n’est pas un délit, ici, mais rien n’est fait non plus pour eux. Les Églises tentent de faire évoluer les choses. Ainsi, depuis peu, les enfants de migrants ne peuvent être refusés dans les écoles et tous doivent être acceptés dans les hôpitaux.
Alors que, pour s’en sortir, certains se prostituent ou entrent dans un trafic d’organes, les Églises tentent de leur montrer qu’il y a d’autres possibilités. Ainsi, le CEI propose des aides d’urgence, des bourses pour les étudiants et des formations professionnelles de trois mois. C’est dans ce cadre que nous avons rencontré de futures coiffeuses appliquées à leur ouvrage et ravies de se sentir considérées. La mission est conséquente, mais les moyens sont dérisoires.
Enfin, nous avons profité de partages avec des intellectuels musulmans qui nous ont présenté un islam moderne, ouvert sur l’occident, loin de ce que nos médias nous présentent en se focalisant sur le seul « islam intégriste ». Ces intellectuels sont d’ailleurs dépités par cette radicalisation qui est, selon eux, très loin de ce que devrait être l’islam. Que de rencontres, que de partages, que de découvertes : un véritable dépouillement de tous nos préjugés. Il y eut bien sûr aussi les rencontres informelles, les visites touristiques et culturelles, les repas (couscous et tajines variés), les moments de partage et de complicité entre nous, les séances théologiques et exégétiques menés par Elian Cuvillier qui a su jeter des points entre notre vécu du moment et les textes bibliques. Alors, si votre pasteur vous annonce qu’il part en formation CPLR à l’étranger, pas la peine de l’imaginer en maillot de bain sur du sable fin… dites-vous qu’il va profiter d’une expérience riche et passionnante qui ne pourra que lui être bénéfique et qui ne pourra que vous être bénéfique !

Cet article est également paru dans les  éditions de la Presse Réformée du Sud