Je reprendrais à mon compte la définition d’André Comte-Sponville. Le populisme se caractérise par 3 éléments. Le premier est la prétention de parler au nom du peuple. Or, dans une démocratie, personne ne peut parler au nom de tous. C’est ensuite parler au nom du peuple en s’opposant aux élites et aux étrangers. C’est paradoxal puisque les élites font aussi partie du peuple. Il s’agit de taper sur les élites en bloc et d’alimenter le « tous pourris, tous nuls ». C’est enfin privilégier les passions (tristes) à la raison. Les passions tristes sont la peur, la haine, la colère…. Elles sont privilégiées au détriment d’un discours de raison qui essaye de clarifier, de distinguer. Est-on dans une démocratie malade ? Sans doute. Lorsque des hommes politiques français prétendent que la démocratie, c’est dire que la majorité a raison, cela ne nous aide guère. Dans une démocratie, la majorité est souveraine, mais cela ne veut pas dire qu’elle a raison. C’est une majorité qui a mis au pouvoir Mussolini … Et elle a eu tort.

L’art de la distinction

Alors, je reviens vers les fondamentaux protestants. Et même si nous commençons l’année Luther, je reviens au réformateur Jean Calvin. Il va mettre au goût du jour l’art de la distinction. Il va séparer, fractionner les différentes responsabilités et pouvoirs dans le fonctionnement de la pensée, du religieux, de la cité ce qui permettra de faire souffler un vent de liberté. Il est l’homme de la séparation, de la clarté. Calvin va séparer le pouvoir civil et le pouvoir religieux. Pour expliquer la Sainte-Cène, il va distinguer le signe (le pain et le vin) et la chose signifiée (le corps du Christ). Il va reprendre la distinction entre le corps et l’âme. C’est elle qui domine la personnalité humaine. Cette idée sera utilisée avec force par nombre de martyrs protestants français qui iront aux bûchers et autres tortures sans faiblir. Il va reconnaître en l’homme un double régime : spirituel, celui de la conscience enseignée et instruite par Dieu et le régime politique ou civil, celui de la civilité qu’il faut avoir entre les hommes. Cet art de la distinction, spécificité calviniste, élevée au rang d’automatisme va être un moteur, un outil de travail en quelque sorte pour avancer, modeler sa pensée. Face au populisme, aux généralités contre le pouvoir politique, économique, médiatique, et religieux (puisque croyant est de plus en plus synonyme d’intégriste dans la conscience collective) la promotion de l’art de la distinction s’avère indispensable.