En mai 2015, l’amendement de Benoit Hamon proposant de reconnaître le « burn-out » comme maladie professionnelle est votée à l’assemblée nationale. Le salarié souffrant d’une incapacité de 25 %, toujours délicate à prouver, pourra présenter un dossier au système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles. Des médecins spécialisés dans les maladies psychiatriques seront associés à l’examen de chaque dossier. Même si, fin juin, le Sénat a supprimé cet amendement du projet de loi sur le dialogue social, il est probable qu’il réapparaisse soit lors de son examen par la commission mixte paritaire (six sénateurs et six parlementaires) chargée de trouver un compromis soit, à défaut, par le parlement.

Une maladie à la mode ?

Les sénateurs ont eu de la peine à cerner le phénomène « burn-out » tant les symptômes sont multiples et différents (troubles du sommeil, dérèglements de la tension artérielle, stress, consommations de substances psychostimulantes…). Le « burn-out » ne serait-il pas la nouvelle maladie à la mode après la dépression ? Mais c’est la reconnaissance comme « maladie professionnelle » qui fut, au Sénat, la véritable pierre d’achoppement. En quoi le travail, quel qu’il soit, peut-il être la cause de troubles aussi divers ? Et, preuve de l’ineptie, à poste égal et à conditions de travail semblables, un salarié n’aura rien alors qu’un autre développera un « burn-out ». Certes. Mais il est possible de tenir les mêmes propos sur le tabac ou l’alcool… Pourtant, tous les médecins aujourd’hui s’accordent pour dire que ces deux drogues sont plus que des « facteurs aggravants » dans le développement du cancer des poumons ou du foie. Ils y contribuent véritablement, malgré des exceptions inexpliquées.

Suivre les règles ?

Il en est de même pour le « burn-out ». Il est certain que les conditions de travail auxquelles sont soumis la plupart des salariés engendrent de tels épuisements psychiques et physiques. Pourquoi ? Le clinicien du travail Christophe Dejours a soumis une hypothèse, appuyée sur ses vingt ans de pratique. Les travailleurs sont en tension entre le « travail prescrit » et le « travail réel ». Pour faire face à la judiciarisation de la société, les entreprises ont mis en place des procédures de « qualité totale ». Le salarié est alors contraint de respecter ce qui est prescrit, garantissant la qualité de la production. Le problème, c’est que le « prescrit » ne peut pas prévoir toutes les situations du travail réel. Le salarié se trouve devant un choix crucial. Soit il se conforme bêtement aux règles édictées et connaît « l’expérience non seulement de la trahison de l’usager mais aussi de la trahison de soi » (par la dévalorisation de son métier et de ses compétences). Soit il refuse les prescriptions et se met en porte-à-faux par rapport à son employeur, contraint à dissimuler un « zèle » profitable à l’entreprise mais nullement reconnu. Dans les deux cas, c’est à une dépréciation de lui-même qu’il est contraint ; volontairement.

La Loi

Le protestantisme a toujours, en fidélité avec le texte biblique, dénoncé la perversité de la Loi dans le chemin du salut. L’actuel développement du « burn-out » montre sa dangerosité dans le monde professionnel. Le protestantisme ne devrait-il pas aujourd’hui promouvoir sur le lieu du travail des procédés relevant de la grâce (qui relève et ressuscite) plutôt que de la Loi (qui engendre une culture de la dévalorisation) ?