Dieu en mission

L’Eglise est appelée à être témoin d’un royaume qui grandit.

Jésus l’explique en racontant, à ses disciples et à la foule mêlés, la parabole de la semence qui croît inexplicablement (Mc 4.26-29). Le verbe rare qu’il emploie évoque le prolongement imprévu, l’excès surprenant, le débordement non calculé, qui se produit sans que l’on sache comment. Toujours, la croissance du règne de Dieu prend l’Eglise au dépourvu, qui constate et suit comme elle peut, mais qui ne précède ni ne programme.

C’est l’expérience que font les apôtres à la Pentecôte. Ils étaient encore dans une logique de calcul, de soustraction et d’addition. Il manque un apôtre du fait de la mort de Judas, il faut qu’un autre soit désigné pour revenir à l’étiage, une procédure est donc mise au point qui aboutit au résultat visé : 12, le compte est bon. Mais l’Esprit saint ne l’entend pas de cette oreille et procède, lui, par multiplication : l’épisode qui suit immédiatement raconte comment la communauté passe de douze et quelques, à trois mille.

Le nombre ne fait pas grand-chose à l’affaire. Jésus, au cours de sa journée botanique (Mc 4), avait parlé d’une multiplication par 30, 60 ou 100, sans valoriser plus un nombre qu’un autre. Il ne s’agit donc pas d’admirer une courbe arithmétique ou géométrique. D’ailleurs, la métaphore de la croissance ne se cantonne pas à ce registre des chiffres ; elle peut être élévation, mais aussi approfondissement, dilatation, inclusion, récapitulation, débordement… Toujours, pourtant, elle est inattendue.

Car c’est Dieu qui est à l’œuvre. C’est lui qui est en mission. C’est lui qui agit, sans que l’Eglise sache comment, qu’elle soit en sommeil ou en éveil. Prodigieuse libération ! Dieu n’est pas un commissaire aux comptes qui vient soupeser les réussites de nos programmes et le bilan de nos efforts. Il nous invite à nous réjouir avec lui de ce qui est déjà en train de s’épanouir hors prévision.

Ne croyons pas que cette attention à l’épanouissement, au développement – je rechigne à trop utiliser le terme de croissance tant il renvoie aujourd’hui au seul domaine économique – soit une nouveauté dans l’air du temps. Il est dans l’ADN de notre Eglise. Dans les temps passés, celle-ci a multiplié les œuvres, comme on disait ; elle s’est dilatée à la surface de la terre ; elle a approfondi la vie spirituelle par la redécouverte d’intuitions spirituelles de type monastique ; et bon nombre de ses Eglises locales ont donné naissance à des Eglises-filles. Autrefois, filant la métaphore végétale, on parlait même d’Eglises plantées et d’Eglises dressées. Quelque chose se disait là, de ce Règne qui vient et qui nous prend comme par inadvertance dans sa dynamique improbable. Aussi improbable qu’une résurrection, une Ascension, une Pentecôte.

Etre une Eglise de témoins, c’est cela. Non pas se muer en habiles entrepreneurs d’une croissance planifiée, mais se découvrir le cœur dilaté par la découverte, au matin, d’une pousse pimpante qui, la veille encore, était donnée pour morte et enterrée. Non pas cantonner l’Esprit à notre prospective, mais se laisser surprendre par l’action du Dieu vivant qui nous entraîne dans son cortège de fête.

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