Notre rapport au religieux, c’est d’abord la parole. C’est en premier lieu se mettre à l’écoute d’une voix qui vient d’ailleurs, c’est croire à l’invisible. Nos temples le disent et le montrent, où souvent rien n’accroche le regard, quitte à banaliser l’espace sans craindre la laideur. Mais la foi reçue comme parole se vit comme un regard, un regard élargi par l’amour, faussé par l’espérance, éclairé par la grâce. Ce regard ouvre des brèches dans le possible, renverse les murs de l’évidence, du réalisme, du rationnel. Il voit le monde en marche, les hommes en devenir. Notre bonheur, notre malheur, notre peur ou notre espérance dépendent du regard, le nôtre comme celui des autres. La foi est un regard qui va loin, qui vient de loin et qui voit large.

Un regard qui va loin

Ce sont les yeux des autres qui nous font vivre. S’ils nous ignorent ou s’ils nous figent, nous sommes morts. S’ils jugent, s’ils cloisonnent dans des catégories, des fonctions, des rôles, des appartenances sociales, religieuses, ethniques, politiques ou autres, ils tuent la vie. Nous voilà étiquetés, définis. Mais le regard de Dieu sur nous est infini. Il brise tout ce qui classe et ferme. Il voit les humains en marche vers une chose que peut-être ils ignorent, à quoi ils aspirent sans vraiment la connaître. Derrière les apparences fermées, ce regard voit l’homme inachevé, en devenir comme un enfant. Il perçoit, derrière les façades les plus dures, des lézardes et des blessures, une attente secrète, un appel vers ce qui est à naître. Ce regard voit le monde en mouvement, les humains en chemin vers ailleurs. C’est ce regard de […]