Celui qui fera bouger contre son gré le président Larcher n’a pas encore vu le jour, Edouard Philippe, comme par un fait exprès, se rêve en recours et les partis politiques boudent. A peine intronisé, le fameux Conseil National de la Refondation (CNR) a déjà plus d’un pied dans la tombe. Avec ça la guerre en Ukraine et les problèmes de l’énergie… Décidément, rien ne va plus. Faites vos jeux ? Pas sûr. Oh, bien entendu, les journalistes s’impatientent, s’énervent, piaffent. Ici même, oui, ici, dans ce blog, on a prétendu qu’Emmanuel Macron patinait – sur une jeune jambe ? – ignorait dans quelle direction conduire le pays, perdait la main. Certes, la rentrée s’annonce mal commode. Il n’en reste pas moins que le Président de la République possède encore dans sa manche quelques cartes maîtresses.

On ne doit pas écarter la première hypothèse émise, exclure que le chef de l’Etat manque de stratégie. Dans ce cas, disons-le tout net, la machine va tourner seule pendant quelques mois, mais très vite elle va se gripper, les Français vont prendre conscience de l’impasse où le pays se trouve, et sortir dans la rue. Qui ne voit les faiblesses d’un pareil raisonnement ? Menacés par des pénuries, nos concitoyens se paieront-ils le luxe d’une cavalcade collective ? Il est vrai que les risques d’un manque de chauffage et d’électricité peuvent conduire à des révoltes considérables. Mais c’est oublier que le gouvernement, sous l’impulsion du chef de l’Etat, s’active pour éviter le pire, qu’il met toute son énergie…

L’hypothèse d’un Président-renard

Voilà pourquoi nous devons retenir aussi l’hypothèse d’un Président-renard. On a coutume de le dire imprégné de culture protestante, au prétexte qu’il a travaillé pour Paul Ricœur. Outre le fait que la famille du philosophe s’exaspère de ce rappel incessant, nous devons souligner qu’Emmanuel Macron a mené ses études au sein d’un établissement dépendant de la Compagnie de Jésus. Nous nous garderons d’en caricaturer les orientations, mais nous n’en négligerons pas les traits : nulle conduite hypocrite, mais une intention préservée des regards.  

Emmanuel Macron, vainqueur de l’élection présidentielle, devrait-il tour dire et se lier les mains dès le début de son mandat, lors même qu’il dispose d’un grand nombre de leviers de pouvoirs ? L’usure de ses rivaux les plus proches, auxquels manque l’espace, et l’impossibilité où se trouvent ses opposants radicaux de renverser toutes les tables assurent un temps d’avance au Président.  L’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale évidemment le dérange, mais l’article 49-3 lui permettra de faire voter le budget. L’opposition prendrait-elle le risque de s’unir et voter la motion de censure ? Il faut rappeler que la première fois qu’un gouvernement fut renversé de la sorte sous la Cinquième république, les Français ont sanctionné sévèrement les partis d’opposition ; l’expérience a suffi : depuis 1962, nulle motion de censure n’a plus été votée.

Que le CNR ait du plomb dans l’aile, au fond, n’a pas grande importance. Emmanuel Macron, constatant que la confusion l’emporte à la surface des choses, accroît le trouble. En personnage de Balzac, il se fait rabouilleur, agite l‘eau de la rivière afin de mieux pécher les écrevisses et les poissons qui n’y voient goutte.

Pendant qu’Elisabeth Borne et les ministres lancent des filets de pêche comme on tend des pièges ou ses bras, le Président s’efface. A-t-il disparu ? Pas du tout. Par-ci, par-là, d’un voyage ou d’une intervention ponctuelle, par petites touches, il rappelle qu’il est là. Mais trop peu. Ce qui fait dire aux journalistes, qui le répètent aux citoyens, que décidément le chef de l’Etat n’est pas compréhensible. Ainsi s’installe un manque. Pas le vide, non : la sensation qu’il y a quelque part quelqu’un vers qui les yeux se tournent et que l’on ne voit pas. Le bon vieux truc du désir.