Par Pierre Lepetit, administrateur de la Fraternité de Saint-Nazaire et membre du comité national

La Mission populaire et ses Fraternités traversent une période difficile. Plusieurs Fraternités ont depuis quelques années des ressources insuffisantes pour couvrir leurs charges. C’est la solidarité du mouvement qui leur permet de poursuivre leurs activités. La MPEF a également des ressources insuffisantes et elle ne peut faire face à ses charges (notamment la solidarité) qu’en vendant des actifs. Cette situation ne peut se prolonger. Très peu d’actifs restent disponibles pour dégager des ressources car l’essentiel est affecté aux activités des Fraternités. Mais plus important encore, ces difficultés de financement créent une tension insupportable pour les salariés comme pour les bénévoles.
Ces difficultés caractérisent une crise. Crise d’un mode de fonctionnement en vigueur depuis plusieurs dizaines d’années qui allie une organisation de type presbytéral à une activité sociale participant à la mise en œuvre des politiques publiques.

Comment en sortir ?

La première étape serait de reconnaître son existence, de la nommer car elle peut être l’opportunité d’interroger la façon dont s’incarne le projet de la Mission populaire évangélique. Cette crise n’est, en effet, pas qu’une crise financière momentanée. C’est une crise politique plus profonde qui interroge notre identité de mouvement et de Fraternité. Dans son texte d’orientation voté en 2019, la MPEF s’affirme comme un mouvement qui, par les actes et les paroles de ses membres, veut participer, selon les mots de Paul Ricœur à la construction d’une « communauté qui porte le témoignage d’un sens, sous forme d’espérance pour tous les hommes ».

Quelle traduction quotidienne ?

Si aujourd’hui la plupart des Fraternités connaissent des difficultés financières, c’est en raison d’une ambiguïté fondamentale sur leur identité. De façon peut-être un peu simplificatrice pour stimuler la réflexion la question pourrait être posée de la façon suivante : une Fraternité est-elle avant tout une communauté fraternelle de bénévoles inspirés par l’Évangile et donc ouverte aux plus démunis ou un service protestant d’action sociale participant notamment à la mise en œuvre des politiques publiques ? Les deux orientations peuvent parfaitement être cohérentes avec l’orientation définie en 2019 mais les conséquences sur le modèle économique ne sont pas les mêmes.

Certes des solutions techniques pourraient être apportées (améliorer la gestion de l’immobilier, mutualiser certaines fonctions, améliorer la collecte des dons…) pour réduire temporairement l’impasse financière, mais elles ne pourraient restaurer un équilibre qui a été durablement rompu. Plus que de solutions techniques, cette crise a besoin d’une réflexion et de changements profonds dans la façon dont nous vivrons demain ces oasis de Fraternité auquel nous convie Edgar Morin. Le Mouvement Mission populaire a aujourd’hui encore les moyens de mener cette réflexion et de bâtir les solutions pour l’avenir, mais il serait raisonnable de commencer la réflexion avant d’avoir épuisé les ressources disponibles, et pour cela de reconnaître que le modèle actuel est en crise.