Évoquer la laïcité dans le contexte français, c’est susciter aussitôt des réactions contrastées et des polémiques fondées très souvent sur des préjugés, des idées reçues et des fantasmes. Il est nécessaire de se réapproprier la notion de laïcité telle qu’elle découle de notre histoire et telle qu’elle est aujourd’hui définie par le droit. Pour y aider, je voudrais évoquer ici cinq idées fausses.

  1. « La laïcité est une valeur »

Certains voudraient qu’on accole « Laïcité » à la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ». Or la laïcité n’est pas une valeur de dimension morale, ajustable selon chaque individu. C’est un principe qui s’appuie sur un ensemble de lois et de jurisprudences qui ne sont pas variables en fonction des personnes. La laïcité a été pensée comme un outil au service de la mise en œuvre de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité.

  1. « La laïcité, c’est la loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905 »

Notons que la loi du 9 décembre 1905, dite « loi de séparation des Églises et de l’État », ne comporte ni le mot « laïcité » ni les mots « séparation » ou « Église ». Quant au mot « État », celui-ci n’est jamais employé comme sujet. C’est une erreur évidemment de penser que la laïcité date de 1905 et que tous ses aspects, notamment juridiques, ont été définitivement réglés par la loi de 1905. La loi consacre la souveraineté et l’indépendance de la République par rapport au pouvoir religieux. L’État n’est pas croyant. D’autres textes fondamentaux se sont ajoutés depuis, qu’il faut prendre en compte dès lors que l’on parle du principe de laïcité : l’article 1er de la Constitution de 1958 ; en 1971, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (notamment son article 10), reconnue comme norme constitutionnelle et en 1974, la France ratifie la Convention européenne des droits de l’Homme et son article 9.

  1. « La laïcité cantonne les religions à la sphère privée »

Il est possible de distinguer quatre types d’espaces, régis par des règles différentes :

– l’espace de l’État et des autorités publiques (neutralité) ;

– les lieux affectés à l’exercice collectif des cultes, où les règles de chaque religion s’appliquent ;

– l’espace privé, au domicile (la foi relève de convictions personnelles, intimes) ;

– l’espace public civil, peu réglementé… mais c’est le point focal des débats et des tensions dans la société aujourd’hui. Or, le principe de laïcité n’impose aucunement que l’expression de la foi et la pratique religieuse soient réservées à la sphère privée.

  1. « Un élu est soumis au principe de neutralité et ne doit pas faire état de ses convictions religieuses »

La laïcité ne suppose aucunement la neutralité d’un candidat à une élection. Elle ne l’impose pas non plus à un·e élu·e hormis lorsque celui-ci exerce une mission de service public (un mariage, par exemple). Si les agents du service public sont soumis au devoir de neutralité, toute citoyenne, tout citoyen peut entrer dans une mairie en portant sur lui un signe religieux.

  1. « Aucun financement public n’est accordé aux Églises »

L’article 2 de la loi de 1905 qui affirme que la République ne subventionne aucun culte comporte de nombreuses exceptions : aumôneries, prêtres et pasteurs en Alsace-Moselle, bâtiments cultuels, dons aux associations cultuelles, etc.