Je n’ai pas besoin d’attendre les réactions des politiques au discours du Premier ministre, elles sont écrites avant qu’il ne parle. Les leaders de la majorité vont le trouver responsable et courageux et les figures de l’opposition vont le trouver ambigu et embarrassé. C’est le jeu politicien de notre pays… pathétique. Pas besoin d’être prophète pour prédire une polémique sur les masques… le gouvernement a peut-être été imprévoyant, mais qui peut penser qu’il n’a pas fait ce qu’il a pu ? Ceux qui disent qu’ils auraient mieux fait n’en savent rien.

J’attends le responsable politique qui osera dire : « Je ne sais pas… je vais essayer telle politique… j’espère qu’elle portera des fruits. » Le théologien Éric Fuchs rappelait que le but du politique n’est pas d’apporter le bien – l’histoire a montré que chaque fois qu’on a voulu imposer le bien, ça s’est terminé en mal – mais de mettre des barrières à la puissance du mal et d’apporter plus de justice.

Pour en venir au déconfinement, un phénomène inattendu est la peur de cette nouvelle étape. Certains n’aspirent qu’à une chose, c’est de pouvoir sortir pour aller boire une bière – ou un sirop d’orgeat – avec des amis, alors que d’autres sont terrorisés face au risque de croiser le virus. Cette peur me fait penser à deux récits bibliques.

Le premier est la nostalgie de l’Égypte chez la génération de l’Exode, quitte à idéaliser le passé : « Qui nous donnera de la viande, alors qu’en Égypte, on pouvait manger pour rien des poissons, des concombres, des melons des poireaux, des oignons et de l’ail[1]. » L’Égypte était une terre d’esclavage, mais c’était aussi un lieu sécurisé. Le Seigneur a appelé son peuple à sortir du confinement égyptien, à prendre le risque de la liberté, en sachant que la liberté à un coût.

Lorsque Jésus a croisé un homme malade depuis trente-huit ans, il lui a demandé : « Veux-tu être guéri ?[2] » La question paraît saugrenue, tant il semble naturel de vouloir guérir, mais la question est vraie, car nous savons que certains sont tellement enracinés dans leur maladie qu’elle fait partie de leur identité et qu’elle leur procure des avantages secondaires. On préfère la sécurité d’une situation difficile, mais prévisible au risque de sortir. Jésus a appelé le paralysé à ne pas rester enfermé dans le confinement de sa maladie : « Lève-toi, prends ton lit et marche ! »

Il faut parfois du courage pour retourner dans la vraie vie.

[1] Nb 11.4-6.

[2] Jn 5.6.