L’Exode est un récit de libération, c’est aussi un événement fondateur pour les Hébreux, car c’est dans le désert que les différentes tribus sont devenues un peuple avec des institutions. Pour organiser la vie commune, Moïse a institué trois ordres : il a nommé des juges intègres pour résoudre les conflits[1], il a institué les descendants d’Aaron comme prêtres pour présider les sacrifices et médiatiser la relation avec Dieu[2], il a enfin choisi soixante-dix anciens pour assumer la fonction politique[3]. Reprenons ces trois ordres.

La justice est une fonction régalienne. La mission d’un état est de faire appliquer les règles de droit pour permettre la vie en société. Dans le livre du Deutéronome qui est le testament de Moïse, la première recommandation de Moïse est d’instituer des juges[4]. Pour rendre une justice équitable, ils devaient être d’une intégrité totale : « Vous ne vous montrerez pas partiaux dans le jugement ; vous écouterez le petit comme le grand ; vous ne craindrez aucun homme. » Une sentence du Talmud déclare que « tout juge qui rend la justice en vérité, fût-ce une heure, devient l’associé de Dieu dans l’œuvre de la création. »

La construction du tabernacle et la nomination des prêtres sont codifiées dans le livre de l’Exode avec beaucoup de minutie. Les commentaires ont souligné que dans un premier temps, Dieu n’avait pas prévu de lieu sacré, mais après l’idolâtrie du veau d’or, il a compris que l’humain était irrémédiablement religieux. Il a répondu à ce besoin de médiation religieuse en confiant cette responsabilité à des hommes particuliers afin d’accorder sa juste place au religieux. Une place importante, mais pas toute la place.

La nomination des anciens est une première réponse au besoin d’une organisation politique. Dans l’histoire, elle sera relayée par l’instauration de la royauté. Le livre du Deutéronome souligne les devoirs du roi pour limiter son pouvoir : Qu’il ne soit pas trop fort, pas trop riche, qu’il n’ait pas trop de femmes et qu’il lise la Bible tous les jours[5].

La séparation des pouvoirs

La nomination des juges, des prêtres et des anciens correspond à une première séparation des pouvoirs entre le judiciaire, le religieux, et le politique. Pour être bien gouverné, un peuple a besoin d’une distinction entre les différents ordres. Pour Montesquieu le bon régime n’est pas nécessairement républicain ni monarchique, il est nécessairement modéré, c’est-à-dire qu’il est partagé, à la différence du tyran qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Ce n’est pas un hasard si la démocratie au sens moderne du terme s’est d’abord développée dans les pays de tradition judéo-chrétienne.

[1] Ex 18.

[2] Ex 28.

[3] Nb 11.

[4] Dt 1.9-18.

[5] Dt 17.15-20.