Dernier propriétaire privé de Chantilly, le duc d’Aumale était probablement le plus grand collectionneur de son époque. C’est dans le cadre des célébrations du bicentenaire de sa naissance (1822-2022) qu’est organisée une grande exposition sur le célèbre graveur Albrecht Dürer (1471-1528), en partenariat avec la Bibliothèque Nationale.

L’art de la gravure

Née peu avant l’imprimerie autour de 1400, la gravure permet une diffusion plus large des images, avec deux techniques en usage : d’abord sur bois puis sur cuivre, un support qui permet davantage de finesse dans l’exécution. C’est dans cette technique que Dürer est passé maître, acquérant de son vivant une réputation qui dépasse largement sa ville de Nuremberg en Bavière.

La gravure est un art en pleine expansion à la fin du XVe siècle, surtout en Allemagne et en Italie. Les grands graveurs de l’époque se connaissent, s’apprécient et parfois se copient. De manière générale, la recherche d’une nouvelle harmonie dans la représentation du vivant (l’homme, les animaux et la nature) fait partie de la nouvelle mode venue d’abord d’Italie et qui est une des caractéristiques de la Renaissance. Dürer ne cessera toute sa vie de se passionner sur le sujet.

Humanisme en marche

De Nuremberg où il est toujours revenu après ses voyages, Dürer ne s’intéresse pas qu’à son art. Avec l’évolution des techniques, il suit également le grand courant humaniste qui traverse l’Europe. De l’Italie et surtout Venise jusqu’aux Pays-Bas, il multiplie les rencontres et se considère comme un membre à part entière de cette république des lettres qui part d’un retour à l’antique avec les néoplatoniciens pour aboutir à ce qui sera la Réforme. Ce tropisme peut s’observer dans ses nombreux portraits de ses mécènes ou d’intellectuels comme Érasme. À la fin de sa vie, Dürer fait preuve dans l’art de la gravure d’une maîtrise qui sera inégalée, avec les jeux d’ombres et de lumières et le sens admirable de ses compositions, souvent riches de nombreux symboles. Le visiteur admirera tout particulièrement les cycles de l’Apocalypse, de la Vie de la Vierge ou de la Grande Passion qui sont présentés au complet.

Des Valois et des livres

Non loin de Dürer, ce sont les portraits d’enfants de la cour des Valois qui bénéficient d’une autre exposition, toujours au musée Condé. À partir d’œuvres qui sont réunies parfois pour la première fois depuis le XVIe siècle, le visiteur découvre la ribambelle de petits princes qui vivaient à la cour d’Henri II, à différents âges de leur vie. Souvent dus au pinceau des célèbres Clouet (père et fils), ces portraits rendent plus familières les figures historiques des futurs Charles IX, Henri III, Marie Stuart ou Marguerite de Navarre…

Pour les amateurs d’incunables (les livres imprimés avant 1501), il serait dommage de passer à côté de la troisième exposition qui a pour thème les trésors germaniques du cabinet des livres, mis en place par le duc d’Aumale à Chantilly à la fin de sa vie. Une Bible de Gutenberg de 1462 voisine avec une lettre d’indulgences de 1453, un missel richement illustré aux armes des Fugger… Des pièces magnifiques et rares qui donnent envie de ne rien manquer du programme estival proposé à Chantilly cet été.