
Repenser la pauvreté
Un contenu proposé par Dans les pas d’un Autre
Publié le 18 septembre 2015
Auteur : Claire Sixt-Gateuille
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Elle a été repérée assez tôt dans ses études et est aujourd’hui reconnue mondialement, en particulier parce qu’elle a amorcé un mouvement visant à changer la façon de penser l’aide au développement. Rien que ça !
Pourtant, son action sur le terrain peut sembler « toute bête » : elle a fondé un laboratoire d’économie et avec ses collaborateurs (dont son compagnon Abhijit Banerjee), elle est allée faire des expérimentations sur le terrain pour savoir si, par exemple, le prix des moustiquaires en Afrique influait sur leur utilisation sur le terrain, ou pourquoi les indiens vivant avec moins de 1 dollar par jour ne fréquentaient pas plus souvent les centres de santé publique gratuits. Elle ne se contentait pas des anecdotes qui émaillent les discours économiques et prétendent au statut de preuve ; elle a mené des études détaillées, à la fois quantitatives et qualitatives, pour voir quelles pratiques amélioraient l’efficacité de l’action financée par les aides au développement.
Son intuition principale est que tant les défenseurs de l’aide au développement que ses détracteurs adoptaient une position ou l’autre en fonction de prérequis implicites ou de « spéculations à grande échelle » et non de la réalité de terrain. Personne ne s’intéressait à « comment pensent les pauvres », chacun partant du principe que quelqu’un qui vit avec 1 dollar par jour (hors logement) devait penser de la même façon que soi-même… Or Esther Duflo a fait le choix de travailler à partir de faits et de questions concrètes, et ses études montrent précisément que ce n’est pas le cas, et donnent, dans un certain nombre d’exemples précis (alimentation, santé, éducation, fécondité, institutions, etc.), des éléments pour une meilleure compréhension de la logique propre des pauvres dans un contexte donné. Bien sûr, son approche révèle une situation bien plus compliquée et nuancée que ceux qui affirment que l’aide au développement sauvera le monde de la pauvreté et ceux qui affirment qu’elle fait plus de mal que de bien. Je vous invite à lire le livre Repenser la pauvreté, à la fois très accessible et très intéressant, et accessoirement disponible en poche (collection Points essais chez Seuil).
En quoi la démarche d’Esther Duflo est-elle révolutionnaire ? Elle s’est intéressée aux gens. D’habitude, seule la microéconomie s’intéresse aux gens, pas la macroéconomie. Elle ne s’est pas intéressée à la conjoncture du marché, ni aux variations de flux, non, aux gens… Et c’est ça qui change tout. […]