1. Tout d’abord, il nous semble important d’entrer dans l’espace public avec une vraie sensibilité à la pluralité, cette pluralité constitutive des sociétés humaines. Personne n’a raison tout seul, il faut faire avec les autres. Alors que nous avons en France une faible culture du dissensus, du désaccord honoré comme respectable, fondateur, soutenable, productif, il nous semble déterminant de mieux soutenir l’entrelacs des consensus et des dissensus, ce qui doit favoriser la profondeur des convictions et la qualité du débat.

2. La possibilité même d’une parole politique et, plus largement, d’une parole publique fait l’objet de rapports de force, qui ne peuvent être évités ou effacés. Mais veillons à toujours rééquilibrer ces rapports, de telle sorte que le plus faible ne soit pas trop faible et que certaines voix ne soient pas purement et simplement étouffées.

3. Au-delà de tous les discours sur les politiques ou les médias, nous sommes aussi responsables de notre parole, de notre écoute, de notre regard. Prenons donc le temps de différer notre jugement pour chercher à comprendre ce qui est dit sans disqualifier d’avance telle voix ou telle tradition de pensée – avant toute prise de position ou tout engagement.

4. Dans la vie publique, dans les médias, nous considérons comme prioritaire de démanteler les mécanismes d’humiliation et de reconnaître la dignité de l’autre, adversaire ou contradicteur, soit en lui faisant place, soit au contraire en respectant sa discrétion, voire sa volonté d’anonymat. Il en va de la crédibilité de notre propre parole.

5. Parce qu’il n’y a pas d’un côté la vraie vie, de l’autre le virtuel, parce que nous incarnons vraiment l’humanité lorsque nous sommes cohérents avec nous-mêmes, restons citoyens aussi sur Internet ! Élaborons les modalités d’une cybercivilité et… mettons-les en pratique.

6. Si la dénonciation des injustices et des mensonges, la protestation et la résistance sont à la fois nécessaires et génératrices d’espérance, ne cédons jamais à la tentation d’en faire des postures de confort. Il nous paraît indispensable de penser ensemble la critique et la justification, la distance et la participation, en respectant à la fois la gouvernance et ce qui la met en question.

7. Plus encore, en intériorisant chacun les conflits qui touchent aux difficultés communes, faisons-nous porteurs des débats difficiles de notre société – étant assurés que penser soi-même la pluralité des opinions et des solutions ne s’oppose ni à la conviction ni à la militance.

8. Être des citoyens, ce n’est pas consommer de la démocratie, c’est la faire vivre pour tous. Soyons donc force de proposition, là où nous sommes, dans les espaces publics et les lieux de responsabilité.

9. Face aux emballements médiatiques, et quelles que soient nos visions du monde, il revient au politique, mais aussi aux grands groupes de conviction – dont les religions – de ramener à ce qui permet de vivre ensemble, c’est-à-dire de reformuler sans cesse l’ordre de priorité des questions qui sont agitées dans l’espace public.