Depuis le deuxième tour des élections législatives, le grand mot des commentaires est celui de compromis. Il est rejeté par les partis d’opposition car il suggère un arrangement suspect avec ses principes et il n’est pas très loin de la compromission. Pourtant, s’il y a un message qu’il faut entendre dans le résultat des élections, c’est bien que les partis sont appelés à s’entendre pour que le pays soit gouverné.

Si le compromis peut être une compromission, le mot évoque aussi une promesse. Au nom de la promesse, nous pouvons avancer trois arguments en faveur d’une politique du compromis : théologique, éthique et économique.

L’art de surmonter les désaccords

Théologiquement, la politique ne relève pas des catégories du salut, mais des règles du bien-vivre-ensemble. À partir du moment où on est dans le registre du relatif, on a le droit d’être nuancé et, pourquoi pas, de trouver quelques vertus à ses adversaires. Le philosophe Vladimir Jankélévitch a dit de la démocratie qu’elle était l’art de gérer les désaccords de manière civilisée.

Le registre de l’éthique pose la question de la place que nous accordons à celui qui est différent dans notre environnement. Les analyses sociologiques montrent que nous sommes dans un pays de plus en plus fracturé entre des îles qui communiquent peu entre elles. Il est difficile de développer une politique qui repose sur le respect des différences lorsque les dirigeants donnent l’exemple du rejet et du mépris de ceux qui ne sont pas de leur opinion.

S’associer pour une cause commune

Enfin, dans le registre de l’économie, un des facteurs de la cohésion sociale est ce qu’on appelle l’affectio societatis, qui est la volonté des personnes de s’associer pour une cause commune, c’est même un critère de performance d’une société. Il est difficile de cultiver cette affectio lorsque les politiques s’adonnent à l’opposition systématique, aux invectives et aux insultes.

Dans les grands défis qui se posent à notre société, on ne sortira des postures idéologiques que par le compromis. L’écrivain israélien Amos Oz affirmait qu’un compromis heureux était un oxymore, une contradiction dans les termes. S’il n’y a pas de compromis heureux, il y a des compromis nécessaires car le contraire du compromis n’est pas l’intégrité, mais l’intégrisme. Le compromis ne fait pas rêver, mais il est l’essence du politique. C’est parce qu’il est difficile que le Nouveau Testament nous appelle à prier pour tous ceux qui occupent une position d’autorité (1 Tim 2, 2).