Comment les protestants se positionnent-ils sur l’échiquier politique ?

Globalement, le vote des protestants s’est rapproché ces dernières années de celui de la société française. On rencontre aussi toutes les tendances parmi les personnalités protestantes qui s’engagent, de Catherine Trautmann et Michel Rocard (PS) à Philippe Richert et Gérard Larchet (LR). Des enquêtes en 2009 et 2012 ont toutefois montré que les protestants étaient désormais surreprésentés parmi les électeurs de droite. Cela est dû à la part grandissante des évangéliques dans la population protestante, ainsi qu’au poids des Alsaciens-Mosellans. Le vote de ces derniers suit l’inclination plus à droite de leur région. C’est plus un vote régional qu’un vote protestant.

Pourtant historiquement, les protestants ont longtemps été visibles à gauche…

En effet, on a longtemps observé une affinité des protestants français pour la gauche. Mais, après 1968, des clivages sont devenus plus visibles. En 1971, la Fédération protestante de France (FPF) publie un document de travail intitulé Église et pouvoirs qui rejette le capitalisme et place la fidélité évangélique du côté d’un réformisme hardi voire révolutionnaire. Médiatisé comme une « encyclique protestante », ce texte a divisé les protestants, notamment entre des réformés de l’intérieur plutôt à gauche et des luthériens alsaciens-mosellans plutôt à droite. Le clivage opposait aussi les tenants d’un engagement politique partisan en tant que chrétiens et ceux qui récusaient l’idée même d’une politique chrétienne.

Parlez-nous du regain de militance des protestants aujourd’hui.

On observe une plus grande présence publique des luthéro-réformés depuis leur union institutionnelle, avec l’Union des Églises protestants d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) en 2006 et l’Église protestante unie de France (EPUdF) en 2013. Le dynamisme des évangéliques a provoqué une émulation chez eux. Par ailleurs, les questions à l’agenda de la société aujourd’hui appellent particulièrement à l’engagement des chrétiens. Les protestants se sont investis dans la conférence sur le climat, pour l’accueil des réfugiés… François Clavairoly, le président de la FPF, a signifié publiquement l’incompatibilité d’un engagement protestant avec le vote pour le Front national. À l’UEPAL, les déclarations de Christian Albecker vont dans le même sens, même s’il ne nomme pas le FN. Aujourd’hui, le point de clivage est le mariage homosexuel. L’EPUdF admet les bénédictions dans les paroisses volontaires, même si le courant des attestants s’y oppose en interne. L’UEPAL a préféré reporter une prise de position tandis que le Conseil national des évangéliques de France rejette le mariage pour tous.

Qu’est-ce que les protestants peuvent apporter à la vie politique française ?

Articulant convictions et sens des responsabilités, ils militent pour qu’un débat démocratique puisse se nouer en vérité, hors de la démagogie et de l’émotionnel. C’est tout le sens du manifeste Éthique de la parole publique lancé par Olivier Abel à l’intention des candidats à l’élection présidentielle. Le refus des protestants de sacraliser la politique ouvre à une culture du dialogue et du compromis. À partir du moment où l’action politique est « l’art du possible », comme aime à le rappeler Daniel Hoeffel, elle est à relativiser. Cela introduit une posture où l’on ne diabolise pas l’adversaire.