Le délit de solidarité, inscrit dans les textes français depuis le début du 20e siècle est hérité d’un décret-loi de 1938 sur la police des étrangers et de l’article 21 d’une ordonnance du 2 novembre 1945 qui punit « tout individu qui, par aide directe ou indirecte, aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger ». Ce délit a été particulièrement utilisé dans les années 1990 pour poursuivre des individus ou associations venant en aide aux personnes sans-papiers. Ce délit aurait pu connaître un coup d’arrêt avec la loi Valls n°2012-1560 du 31 décembre 2012, élargissant le champ de l’immunité, qui précise qu’il n’y aura pas de poursuite si :

  • l’aide est apportée sans aucune contrepartie
  • qu’elle se limite à la fourniture de prestations de restauration, d’hébergement, de soins médicaux ou de conseils juridiques
  • qu’elle a pour objectif « d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou de « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci »

Seule l’aide au séjour irrégulier apportée dans un but lucratif peut être sanctionnée 

Cette protection des « aidants » par le droit national est limitée à la question du seul séjour irrégulier, mais l’aide à l’entrée ainsi qu’à la circulation irrégulière est toujours passible de poursuites. De plus, ces trois conditions cumulatives entrent en contradiction avec le droit européen, comme l’a relevé la Commission nationale consultative pour les droits de l’Homme dans son avis du 18 mai 2017. La directive 2002-90 du 28 novembre 2002 dispose en effet que seule l’aide au séjour irrégulier apportée dans un but lucratif peut être sanctionnée : La convention européenne de Schengen du 19 juin 1990 oblige les États membres à « instaurer des sanctions appropriées à l’encontre de quiconque aide ou tente d’aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d’un État de l’espace Schengen ».

Mais les Ministres successifs de l’intérieur ont maintenu le délit de solidarité, que l’aide soit apportée avec ou sans but lucratif, et introduit de fait le délit de solidarité avec comme prétexte la lutte contre l’immigration irrégulière et contre le terrorisme. De fait, dans les années 1990, le délit d’aide au séjour irrégulier a été invoqué comme fondement à des poursuites contre des individus ou des associations venant en aide aux étrangers sans papiers. On pouvait penser au départ qu’il s’agissait de simples manœuvres d’intimidation. Mais ces poursuites ont cependant dé- bouché sur des condamnations.

Condamnés pour avoir aidé à franchir une frontière

Mais depuis environ deux ans, on constate une reprise du délit de solidarité. C. Herrou, P.-A. Mannoni, et bien d’autres personnes moins médiatisées, militants associatifs ou simples citoyens agissant selon des motifs humanitaires, ont été poursuivis voire condamnés pour avoir aidé à franchir une frontière, pourtant sans aucune rétribution, des étrangers en situation irrégulière, le plus souvent des personnes souhaitant déposer une demande d’asile.