Dans une classe de petite section maternelle, lors de l’activité peinture il n’y a qu’un pinceau par couleur, pour apprendre à attendre qu’un copain ait fini d’utiliser le rouge qu’on convoite tant, accepter de voir passer le pinceau du bleu sur la feuille d’un autre… bref, mutualiser le matériel, partager ses outils.

Et dans ce moment d’attente, on observe ce que fait le camarade, on se transmet les outils avec bienveillance, les idées avec convivialité ; on apprend l’échange, la patience, l’attention, en un mot : le respect de l’autre. Si l’école est un lieu de transmission des savoirs, des savoirfaire et des savoir-être, est-elle également un lieu où les valeurs universelles (pas faciles à définir et à didactiser) se transmettent, et de quelle manière ?

Depuis la IIIe République, l’école éduque aux valeurs républicaines. Liberté, égalité, fraternité et laïcité sont enseignées, particulièrement en histoire ou enseignement moral et civique, et inscrivent de fait l’élève dans cet héritage. Les atteintes aux droits de l’Homme, à ceux de l’enfant et à la démocratie sont nombreuses. Aussi l’affichage de la déclaration des droits de l’Homme et l’étude de ses articles viennent rappeler aux élèves que leur défense est toujours d’actualité.

Par ailleurs, le socle commun indique : « L’école a une responsabilité particulière dans la formation de l’élève en tant que personne et futur citoyen » et « fournit une éducation générale ouverte et commune à tous, et fondée sur des valeurs qui permettent de vivre dans une société tolérante, de liberté. »

La transmission de valeurs implicites

Si celles de la République sont clairement définies et étudiées tout au long de la scolarité de l’élève, la transmission d’autres valeurs se fait de manière souvent implicite dans toutes les disciplines. Lorsque les grands du CM2 viennent partager les activités de la petite section de maternelle, ils apprennent à leur tour la patience et le respect de la différence, car les tout-petits ne peuvent réussir immédiatement ce qui est demandé. Les grands doivent s’adapter à leurs gestes et à leurs capacités de communication verbale ; ils font preuve d’attention affectueuse et les petits d’admiration et d’écoute. Chacun va au rythme de l’autre : la coopération entre pairs met en avant la solidarité, l’entraide et l’autonomie. En cours d’EPS, le jeune désigné comme arbitre est confronté aux valeurs comme l’honnêteté et le respect d’autrui. Le professeur de lettres propose des textes valorisant le respect de la dignité humaine ou la tolérance. Les élèves sont souvent impliqués dans des actions faisant appel à leur sens des responsabilités, à leur générosité et à leur empathie : opérations communes avec la banque alimentaire, courses pour soutenir une association caritative, débats autour de la lutte contre les discriminations…

De même, par sa posture, ses propos et ses relations avec l’élève, l’enseignant, ou tout autre personnel de l’équipe éducative, incarne les valeurs qu’il veut faire passer. Il doit esquiver trois écueils : formater les jeunes, confondre valeur et morale, se positionner en gourou. Les valeurs universelles ne s’enseignent pas dans les manuels scolaires mais dans des pratiques pédagogiques. Il ne suffit pas de prescrire le « vivre ensemble », l’école s’efforce donc de transmettre également le « faire ensemble ».

Roselyne Schneider, professeur de lettres-histoire en lycée professionnel à Bordeaux