12.09.2021 : Marc 8.27-35 – Confession de foi de Pierre

Le Christ et la croix

Introduction

Ce texte se situe à un tournant de l’évangile de Marc puisque c’est la première fois que Jésus est confessé comme Christ et que c’est aussi la première fois qu’il annonce sa passion, les deux affirmations étant intimement liées.

Ce récit si important est situé géographiquement à Césarée de Philippe, en pays non juif, près des sources du Jourdain. Symboliquement, cette localisation inscrit l’évangile en dehors de la terre d’Israël. Le pays de l’Évangile, c’est la croix.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Titre : Jean le baptiseur – Élie – Un des prophètes

Les trois figures proposées : Jean, Élie, un des prophètes sont très proches. Dans le dernier verset des bibles chrétiennes, le retour d’Élie précède le jour du Seigneur (Ml 3.23) et Jésus assimile Jean à Élie (Mc 9.13), et l’expression un des prophètes est une récapitulation du message des prophètes qui aussi associé à Élie. Ces trois figures ont en commun d’annoncer le messie sans l’être. Pierre sera le premier à confesser que Jésus n’est ni Jean, ni Élie, ni un des prophètes, mais le Christ.

Titre : Le disciple confessant est rabroué

Dans le parallèle de l’évangile de Matthieu, lorsque Pierre confesse que Jésus est le Christ, ce dernier lui dit : « Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! Moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je construirai mon Église » (Mt 16.17-18). Chez Marc, aucune parole de reconnaissance, mais au contraire une parole d’avertissement : « Il les rabroua, pour qu’ils ne disent rien à personne à son sujet. »

Cette réaction nous étonne. Une explication se trouve dans les versets qui suivent lorsque Pierre rabroue à son tour Jésus qui vient d’annoncer sa passion. Elle montre qu’il est incapable d’intégrer toutes les conséquences de sa confession. S’il dit que Jésus est le Christ, il se trompe sur le type de messianité qu’endosse Jésus.

Pistes d’actualisation

1er thème : Toi, qui dis-tu que je suis ?

Les questions de Jésus conduisent à passer du « on » (Au dire des gens, qui suis-je ?) au « tu » (Pour vous qui suis-je ?). Cette question est posée à chacun et personne ne peut se cacher derrière la réponse de son voisin.

La première fois que les partisans de Luther ont été appelés Protestants c’est parce qu’ils ont émis une protestation à la diète de Spire qui disait : « Pour les choses qui concernent la gloire de Dieu, le bonheur et le salut des âmes, chacun paraîtra devant Dieu et lui rendra compte pour sa propre personne, sans pouvoir alléguer pour excuse des décisions prises à la majorité des suffrages. » Le croyant adulte est celui qui dit « je » sans se cacher derrière les autres.

Aujourd’hui qu’elle est ma réponse – la mienne, pas celle d’un autre – à la question de Jésus.

2e thème : La croix comme figure messianique

Si Jésus annonce sa passion juste après la confession de Pierre, c’est pour nous dire en quoi il est Christ, mot qui peut aussi se traduire par messie.

Nous trouvons dans le Premier Testament plusieurs représentations messianiques. On peut citer la figure de l’accomplissement royal, davidique ; la figure de Cyrus comme messie historique ; la figure, teintée d’apocalypse, du fils de l’homme de l’époque perse ; et enfin la figure du serviteur souffrant des prophètes de l’Exil.

En général, dans les évangiles, le modèle dominant est celui du messie royal qui restaurera Israël alors que Jésus se révélera plus dans la figure du serviteur souffrant. Tant qu’une ambiguïté demeure autour du mot Christ, il ne sert à rien de dire que Jésus est le Christ, c’est pourquoi il demande à ses disciples de se taire.

3e thème : Le satan et le refus de la croix

Jésus enseigne à ses disciples qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté et qu’il soit tué. Pourquoi le faut-il ? Il y a autant de réponses à cette question que de théologies. Dans ce récit, l’évangile n’y répond pas, mais affirme que celui refuse cette voie relève du Satan.

À trois reprises dans l’évangile de Marc, Jésus annonce la croix (aux chapitres 8,9 et 10) et à chaque fois, les disciples ne vont pas entendre ce qu’il dit. Ici, c’est Pierre qui le rabroue, ce qui lui vaut la réplique la plus cinglante faite à un humain dans l’évangile : « Va-t’en derrière moi, Satan ! lui dit-il. Tu ne penses pas comme Dieu, mais comme les humains. » Dans l’évangile, la meilleure description du Satan se trouve dans le récit de la tentation lorsqu’il propose à Jésus le pouvoir et la domination, ce qui est effectivement le contraire de la croix qui représente le jusqu’au bout du don de Dieu. Quand Pierre s’oppose à la croix, il est effectivement dans les catégories du Satan.

Cette réplique nous rappelle que toutes les théologies qui valorisent plus la gloire du Christ que la croix sont, selon ce passage, dans les catégories du Satan.

Une illustration : témoignage sur la théologie de la croix

François Cheng est un écrivain et poète français d’origine chinoise. Il raconte que lorsqu’il avait 8 ans, le Japon a déclenché une guerre contre son pays, la Chine. Il a découvert les horreurs de la guerre, les exécutions en masse, les concours de décapitation, les jeunes filles violées, les femmes enceintes éventrées… Il a pensé qu’aucune vérité en ce monde n’avait de sens si elle ne pouvait se tenir face à cette réalité. Il a erré dans sa quête spirituelle jusqu’au jour où il a rencontré le Christ qui, à la croix, a affronté le mal radical tout en montrant que l’amour restait le bien absolu.

Le mal est vertigineux, mais confesser que le crucifié est le Christ, c’est affirmer qu’il a traversé les abîmes les plus ténébreux.

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Laurence Belling, protestante réformée, chargée de la catéchèse des jeunes dans son église, pour discuter de Marc 8, 27-35 : https://campusprotestant.com/video/pierre-declare-que-jesus-est-le-christ/

Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis