27.03.2022 : Luc 15.1-3,11-32 – Le fils prodigue

Le scandale de la grâce

Introduction

Les premiers versets du chapitre nous rappellent les circonstances dans lesquelles cette parabole qui est une des plus connues de l’évangile a été racontée. Jésus répond aux scribes et aux pharisiens qui sont scandalisés parce que Jésus accueille des collecteurs des taxes et des pécheurs et mangent avec eux.

Nous devons entendre le caractère choquant de l’attitude de Jésus. Que dirions-nous d’un sage qui partage les banquets des collaborateurs d’une puissance d’occupation et des prostituées ? Ce qui reste vrai de nos jours l’était encore plus à cette époque. Dans le monde de Jésus, le repas est un marqueur identitaire, il trace les limites, les frontières, du groupe auquel on adhère. En mangeant avec les pécheurs, Jésus s’assimile à eux.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Titre : Deux fils

Un homme avait deux fils. Les paraboles qui présentent deux fils, deux arbres, deux maisons, deux chemins… proposent une alternative. Nous pouvons être l’un ou l’autre, mais le plus souvent nous sommes les deux.

Le propre de cette parabole est que les deux fils ont une mauvaise relation à leur père, le premier est un rebelle arrogant et le second un avare jaloux. La parabole commence par l’échec d’une éducation.

Heureusement, elle se termine bien : le rebelle retourne au père et on peut espérer la même démarche de l’aîné. Il ne faut jamais désespérer !

Titre : Un père

La demande de sa part d’héritage du fils est particulièrement déplacée. C’est comme s’il tuait son père, il veut sa part tout de suite.

Face à cette demande quelle serait la réaction d’un père normal ? Le père de la parabole n’est pas un père normal, il donne et il laisse partir son fils. Il accepte que son fils le quitte même s’il sait qu’il s’avance dans un chemin qui finira en impasse.

La mission d’un père est de transmettre… et de laisser partir son fils pour qui défriche son propre chemin.

Pistes d’actualisation

1er thème : L’échec du fils

La demande du fils n’était pas celle d’un adulte de l’enfant appelé à quitter son père et sa mère pour construire sa propre histoire, c’est celle d’un rebelle adolescent qui veut profiter de la vie et vivre dans la débauche.

Il dilapide la fortune reçue jusqu’au moment où il se retrouve en impasse, condamné à garder les cochons, ce qui constitue pour un juif un abaissement radical. Même la nourriture des cochons devient préférable à la sienne.

Il aurait pu s’enfermer dans sa rébellion, mais il a le courage de rentrer en lui-même et d’analyser sa situation. Comme quoi tout n’est pas perdu avec ce fils ! Il a au moins le courage de la lucidité.

2e thème : Les fruits d’une éducation

Nous avons dit que le père avait raté son éducation. Pas tout à fait, il y a un point sur lequel il a réussi, son fils se souvient que dans sa maison il y avait du pain et les ouvriers étaient bien traités.

Cette mémoire peut éclairer les Églises dans leur transmission. Le but d’une catéchèse n’est pas de donner la foi à des enfants, nous en sommes incapables, en théologie, c’est le rôle du Saint-Esprit. L’ambition d’une catéchèse est tout simplement de dire qu’il existe un lieu où se trouve un bon pain pour que le jour où il se trouve en question, il se souvienne.

Cela pose une question à toutes nos communautés : nos Églises sont-elles appétissantes ?

3e thème : Le pardon du père

Avant de retourner vers son père, le fils a préparé une belle parole de confession : Père j’ai péché contre le ciel et contre toi !

Pendant ce temps, le père attendait. Il avait suffisamment confiance à son fils pour savoir qu’il reviendrait. C’est peut-être cette confiance qui a donné le courage au fils d’entreprendre la démarche. Le père n’oblige pas, car il veut que son fils soit libre, mais le père attend et le père espère.

Le fils a à peine eu le temps de la prononcer sa confession qu’il est déjà pardonné, et pas du bout des doigts, avec générosité : la robe qui le désigne comme fils, la bague qui est la signature du carnet de chèques et l’urgence d’un banquet qui est le festin des retrouvailles.

La parabole est centrale dans l’évangile car elle dit l’évangile du pardon qui est le cœur de la révélation biblique. La révolution de l’Évangile est que l’amour de Dieu nous précède. Dans l’épître aux Romains : Voici comment Dieu, lui, met en évidence son amour pour nous : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs (Rm 5.8).

Une illustration

Une histoire raconte qu’un fils s’était enfui de sa maison en ayant volé l’argent que ses parents avaient économisé qu’ils avaient caché dans une boîte.

Après des années de débauche et d’errance, il a écrit une lettre pour dire à ses parents qu’il passe par leur village, mais qu’il ne sait s’ils accepteraient de le revoir. Il leur propose un signe : si vous acceptez de me revoir, mettez un mouchoir blanc à votre balcon.

Au petit matin l’enfant arrive dans le village. Il hésite avant d’entrer dans la rue où se trouve la maison de ses parents. Il ferme les yeux, fait un pas, les ouvre et découvre la maison de son enfance : le toit recouvert de draps ; les murs, les portes et les fenêtres couverts de serviettes, de nappes et de torchons… les parents voulaient être sûrs que le fils ne rate pas le message qu’il voulait leur adresser.

Comme l’a écrit l’apôtre Paul : Là où le péché a abondé, la grâce à surabondé.

Pour aller plus loin :
Le pasteur Antoine Nouis reçoit Christine Pedotti, écrivain, journaliste et directrice de la rédaction de Témoignage Chrétien, pour discuter de Luc 15, 1-3 et 11-35 : https://campusprotestant.com/video/le-fils-prodigue/

Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis