
Claude Richard-Molard : une vie de militance
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Publié le 26 juillet 2014
Auteur : Nathalie Leenhardt
Dans sa chambre baignée de soleil de la maison de retraite protestante du Châtelet, à Meudon (92), Claude Richard-Molard égrène ses souvenirs, le fil d’une vie pleine. Parfois, elle perd la trame, tant il y a à dire, mais jamais n’oublie un nom, une date. Quand vient le moment de la photo, qu’elle redoute un peu comme l’exercice de l’interview, elle tient à poser devant le portrait d’elle à dix-huit ans, peint par Gomery, un ami juif hongrois hébergé par ses parents pendant la guerre et disparu dans les camps.
Sa mémoire n’a rien effacé de ces années durant lesquelles, jeune fille à Grenoble, elle vivait dans une maison accueillante à ces hommes et femmes menacés du seul fait de leur religion. « Mes parents, Charles et Denise Westphal, les cachaient dans les chambres de bonne. Le soir, je leur apportais de la nourriture, tapant discrètement à la porte le nombre de coups convenus. Je n’oublierai jamais leur regard, j’avais honte pour mon pays… »
La médaille des Justes
Plus tard, bien plus tard, quand Claude découvre dans Le Monde la publication d’un dictionnaire des Justes, elle pense à ses parents. Elle appelle Yad Vashem, à Jérusalem, et tombe, belle coïncidence, sur Lucien Lazare qui avait écrit un article intitulé : « Deux Justes : le roi du Danemark et le pasteur Westphal ». Pour constituer le dossier, elle retrouve un témoin vivant, Simon Feigelson, caché et entré au maquis grâce à Charles Westphal : « Je témoignerai pour ta mère qui m’a hébergé sans tickets de rationnement. » Ainsi, en 2005, Claude reçoit-elle la fameuse médaille. En tire-t-elle de la fierté ? De sa voix sourde, elle répond : « C’était tellement naturel… » Avec l’accord de ses cinq frères et sœurs, elle a donné cette médaille au Musée de la Résistance de Grenoble. « J’avais demandé qu’ils écrivent “Médaille dédiée aux Justes inconnus” mais ils ont mis “Don de madame Richard-Molard” », dit-elle, contrariée. Dans la liste des juifs grenoblois arrêtés et disparus, elle lit le nom de Ladislas Varady : « Un ami de la famille, qui m’avait dédicacé un livre de poésie que j’ai toujours. En voyant son nom, j’ai pleuré. » Ces souvenirs si vivants d’une période si noire la renvoient sans cesse au monde d’aujourd’hui. Claude n’est pas une personne sereine, détachée du réel en vertu de son âge, au contraire. « Je suis inquiète pour l’avenir de nos jeunes, il y a tellement de violences. Regardez ce jeune homme Rom lynché en banlieue, ces tueries dans les quartiers pour la drogue. » […]
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