D’hier à aujourd’hui, les Églises locales rivalisent de travail pour faire du Noël des enfants une réussite festive et concentrée, riche de sens. Traditionnellement calé le dimanche des vacances ou celui qui précède, car il faut que tous les petits de l’école biblique ainsi que les catéchumènes soient présents. C’est pour eux un culte vraiment spécial, celui qui laisse le plus de souvenirs. Morceaux choisis glanés un peu au hasard des Églises locales :

Souvenirs

Je me souviens à Neuilly du sapin gigantesque qui montait presque jusqu’au plafond et qu’on allumait avec de vraies bougies pendant le culte. Je me souviens que le trésorier de l’époque tremblait en voyant les éclaireurs allumer chaque bougie avec une sorte de torche… le temple est habillé de bois et il y avait toujours des seaux d’eau prêts, au cas où ! Je me souviens que quand j’ai déploré le remplacement des bougies par de vilaines guirlandes clignotantes, je me suis fait vertement reprendre « tu ne te rends pas compte du danger ! ». Je me souviens qu’au moment de l’allumage on chantait toujours « Mon beau sapin », jusqu’à ce qu’un pasteur plus sévère que les autres relègue ce cantique jugé trop païen à la fin du repas communautaire qui suivait le culte. Je me souviens des cadeaux que l’on apportait pour les enfants de prisonniers, des paquets soigneusement faits avec écrit la mention « garçon, 6-8 ans », ou « fille 4-6 ans ». À l’époque, pas question de donner un camion à une fille ! Je me souviens des papillotes qu’on recevait en échange (une chacun) et du joyeux bazar ensuite avec les bruits de papiers, les bavardages entre nous ou avec les parents qui relâchaient enfin un peu la pression. Je me souviens qu’ils nous reprochaient invariablement de ne pas avoir bien articulé au moment de notre petite scénette, déguisés que nous étions en villageois, mage ou berger(ère)… Je me disais que la fille qui faisait Marie avait de la chance d’être devant avec son beau déguisement. Je me souviens que nos parents nous racontaient que, eux, ils avaient une orange à la sortie du culte du vrai jour de Noël, c’est tout, et qu’ils étaient contents quand même. Je me souviens qu’une année, pour mes enfants, les monitrices avaient associé le culte de Noël avec Abraham (étudié tout le premier trimestre à l’école biblique), ce que nous, les parents sérieux, avions trouvé un peu tiré par les cheveux… jusqu’à ce que les enfants jettent des pluies d’étoiles dorées de l’étage vers l’assemblée ainsi arrosée qui apprécia avec des ohhh ! et ahhh ! de rigueur. Je me souviens de la gardienne qui me raconta ensuite avoir mis au moins un an (!) à aspirer toutes ces petites étoiles coincées sournoisement dans les interstices du parquet.

Un temple trop étroit

Génération après génération, le culte des enfants a pris de l’ampleur, spécialement depuis la fin du XXe   siècle. Aujourd’hui, comme l’a découvert le pasteur Amos Ngoua Mouri, à Châtillon-Coligny, c’est le culte le plus important de l’année, où il voit des personnes qui ne viennent que ce jour-là ! Le 22 décembre à 16h, la cérémonie ne prendra pas place dans le temple de Châtillon, trop petit, mais dans une grande salle prêtée par la mairie. Les enfants commencent à préparer leurs sketchs ou petites représentations théâtrales dès la rentrée des vacances de la Toussaint. Cette année le thème choisi est « Noël comme un cadeau ». Quelle forme cela va-t-il prendre ? Pour le moment, mystère… mais les enfants prennent cela très au sérieux : comme l’a dit une année précédente un petit de huit ans à Amos Ngoua Mouri, « aujourd’hui c’est moi le pasteur ! ». C’est quand même le vrai pasteur qui fait l’introduction, avec prière et louange, avant de laisser la place aux enfants qui enchaînent. C’est leur jour, ils sont déguisés, ont bien appris et répété leurs textes ; ils sont attendus par une assemblée exigeante, « j’espère que ce sera aussi bien que l’an dernier », a annoncé d’entrée un de ces paroissiens épisodiques. À la fin, l’Église offre à chaque enfant un petit cadeau emballé avec amour, un livre accompagné des indispensables bonbons et fruits de Noël. Comme la salle est prêtée pour la journée, ce sont les familles qui l’arrangent juste avant avec sièges et décor. Le grand sapin, lui, ne déménage pas du temple où il est installé : il faut encore qu’il soit là le 25. C’est une famille, choisie à tour de rôle, qui fournit et décore l’arbre, source d’une petite et sympathique compétition paroissiale.

Nouvelles technologies

La crèche de Noël a pris sa source il y a plus de 2000 ans, mais à Nanteuil et Coulommiers, c’est avec l’aide de la high-tech que la cérémonie se déroule. Tout doit être pensé bien à l’avance, car le jour J, pas de droit à l’erreur : c’est grâce à une personne qui travaille pour une grande société qu’est livré le samedi seulement, veille de l’événement, un écran géant accompagné de micros sans fil et de caméra. La répétition générale a lieu tout de suite et tous les enfants participent, filmés devant un « fond vert », de façon à pouvoir importer n’importe quel décor. À 16h le lendemain, dimanche (pas de culte le matin), chaque personne de l’assemblée, même tout au fond, voit et entend parfaitement grâce à l’écran placé en hauteur, où sont projetés les enfants (habillés selon les besoins des scènes choisies). Cette année, il semble que cela commence dans un café de Bagdad avec les trois femmes des mages : mais où donc sont partis leurs maris ? L’Église de Nanteuil et son pasteur Quentin Braddock mesurent leur chance de pouvoir disposer d ’un matériel aussi pointu et sont très reconnaissants à celle qui rend tout cela possible. Cela n’empêche pas le pasteur, d’origine anglaise, de préserver la tradition avec les chants de Noël, en anglais Christmas Carols, sans lesquels, bien sûr, Noël ne serait pas Noël.

L’imagination au pouvoir

Difficile d’innover avec toujours la même histoire et si peu de personnages ? En matière théologique peut être. Plus d’un pasteur se demande comment il va trouver quelque chose de différent, d’innovant à dire Publicité sur la naissance du Christ. Fête d’ailleurs relativement tard ive développée au Moyen-Âge, elle a pris le pas sur Pâques qui reste la plus importante significativement pour les chrétiens. Et pourtant monitrices, moniteurs, catéchètes et pasteurs trouvent toujours une idée nouvelle ou une approche différente, chaque parent se découvre des talents de couturier(ère) pour les déguisements. Les paroissiens de l’Oratoire se souviennent encore de leur stupeur éprouvée en voyant entrer Marie sur un vrai âne (réquisitionné au jardin des Tuileries tout proche), guidée par un Joseph cherchant désespérément une auberge pour sa femme sur le point d’accoucher. L’animal s’est laissé paisiblement conduire, chacun priant pour qu’il ne laisse pas de crottin sur le dallage ! C’est ainsi que grâce au travail, à l’imagination et à l’enthousiasme de tous, la fête qui célèbre la naissance d’un Sauveur est aussi celle de tous les enfants, chez qui elle laissera de si bons souvenirs. Un grand merci à tous.