L ’EPUdF (Église protestante unie de France) créée en 2012, qui réunit luthériens et réformés, est gouvernée selon le régime presbytérien synodal, structurée en assemblées et en conseils élus. L’autorité de Jésus, le Christ, seul chef de l’Église, n’est déléguée à personne. Le Synode régional (sun-odos : cheminons ensemble) réunit des délégués des églises locales, pasteurs et laïcs, qui décident ensemble des orientations à donner à la vie de l’Église. Le Synode national est l’instance de gouvernance ultime puisqu’il prend les décisions qui engagent l’Église unie et toutes les églises locales.

Des moments clefs

En Île-de-France, la situation est un peu particulière. Avec deux régions confessionnelles, luthériens et réformés conservent leurs propres Synodes qui élisent chacun leur Conseil régional. Des spécificités existent. Pour les luthériens, l’inspecteur ecclésiastique, pasteur, est élu par le Synode et le Conseil régional est présidé par un laïc. Là où, chez les réformés, le président du Conseil régional, pasteur, est élu par le Conseil régional.

Jean-Frédéric Patrzynski est l’actuel inspecteur ecclésiastique. Son successeur sera élu en novembre prochain, mais son installation officielle aura lieu le 7 juin 2020. Pendant 6 mois, le pasteur Patrzynski et le nouvel élu travailleront ensemble et prépareront l’élection du Conseil régional lors du Synode régional 2020. Actuellement, trois noms de pasteurs susceptibles de se présenter à l’élection sont connus : Jean-François Breyne, pasteur à Saint-Jean, vice-président du Conseil national, Béatrice HollardBeau, pasteure aux Billettes et membre du Conseil régional et Laza Nomenjanahary, pasteur à la Trinité-Saint Marcel et vice-président du Conseil régional. La liste n’est pas exhaustive, car il n’y a pas de candidature : un autre pasteur peut se présenter à la dernière minute ou bien un autre nom peut sortir de l’urne.

Du côté réformé, un des moments clefs du Synode est l’examen du rapport du conseil régional. Même s’il est souvent mésestimé. Pendant un an, par délégation du Synode, le Conseil a géré la vie régionale. Au bout d’un an, ce dernier vient rendre compte. Dans la quinzaine de pages du rapport, à laquelle il faut ajouter les annexes, le lecteur attentif trouvera les options choisies aux questions qui se posent à court et moyen terme à l’Église régionale et aux Églises locales. Le nombre de pages consacrées aux ministres et, par là même, aux situations locales dit l’engagement collégial du Conseil, le président en prenant largement sa part, dans l’accompagnement des personnes et situations. 65 ministres et 69 paroisses sont ainsi rencontrés, suivant le besoin, pour des évaluations, nominations, ou à la demande.

Un thème commun

« Écologie, quelle(s) conversion(s) ? » est le thème synodal partagé par toutes les régions cette année. Il sera encore débattu à Troyes lors du Synode national. Ce thème est d’abord étudié par les églises locales. Celles-ci envoient le résultat de leurs réflexions à des « rapporteurs », le pasteur Patrice Rolin, animateur de l’Atelier protestant et Adélaïde Antore, présidente du Conseil presbytéral d’Aulnay-Sous-Bois/Drancy, pour les réformés et à JeanPaul Roussennac, président du Conseil presbytéral de Saint-Paul de Montmartre, pour les luthériens. Tous les trois travaillent ensemble et mettent en commun les résultats de la concertation. Mais c’est chacun devant son Synode qu’ils présenteront une synthèse des travaux des églises locales et organiseront séances plénières et ateliers.

« Le titre est très pertinent », affirme Patrice Rolin, car il existe bien une approche chrétienne de la question écologique. Si les chrétiens n’ont aucune compétence technique spécifique sur le sujet, leur foi y porte en revanche un regard particulier. Le Synode explore des sujets spirituels, cependant peu de paroisses ont fourni une réponse théologique, elles ont préféré des réponses pratiques.

Patrice Rolin voit trois dimensions dans le sujet. La première concerne le cadre de vie, reçu comme une création de Dieu. De fait, tous les chrétiens confessent que Dieu est créateur. Dans la deuxième, la création est comprise comme un don, le don est reçu avec gratitude. On ne détériore pas un don. La création doit être transmise aux générations futures en bon état. Les humains sont les « gérants », les « lieutenants » de Dieu. Ils ne sont pas propriétaires de la création : « Le Seigneur Dieu prit l’Homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour cultiver le sol et le garder » Gn 2.15. 3

C’est un lien de confiance qui existe entre Dieu et l’Homme. La troisième dimension qui s’impose, selon Patrice Rolin, est que nous ne sommes ni Dieu, ni Créateur. L’Humanité est mortelle. Elle se reconnaît dans la « finitude » et la faiblesse. On ne peut être éternel. Tout ce qui est créé est « fini ». Comme tous les humains, le chrétien doit gérer cette « finitude ». Plusieurs possibilités s’offrent à lui : gérer, comme Adam et Ève, sur le conseil du serpent en cherchant à devenir comme Dieu. Ou bien comme le Christ qui, tenté par Satan de montrer sa toute-puissance, résiste et fait confiance au Père bienveillant !

L’Homme est une créature finie sous le regard d’un Créateur bienveillant. « Louez sois-tu Seigneur pour notre frère, le soleil… pour notre sœur, la lune… pour notre sœur, la mort corporelle… » Ainsi s’exprime François d’Assise dans le « Cantique des créatures ». Comment rendre grâce pour la mort corporelle ? L’Homme se sait mortel, mais fait partie des créatures. Comment accepter d’être une créature comme toutes les créatures sur terre ?

Un défi partagé

Pourquoi près de deux tiers des paroisses, réformées comme luthériennes, n’ont pas répondu ? Pour Jean-Paul Roussennac, l’interrogation demeure. Certaines pensent que le thème choisi est dû à un effet de « mode ». Pour d’autres, le sujet est « politique » et ce n’est donc pas du rôle de l’Église. Ce qui veut dire que cela ne m’interpelle pas en tant que membre d’une paroisse. Mais est-ce que cela interpelle sur le plan individuel ? Peut-être davantage.

En effet, de nombreuses églises sont entrées dans le processus « Église Verte » créé en 2017 par des catholiques, des orthodoxes et des protestants, pour encourager la conversion écologique. Cependant, le label « Église Verte » reste un outil. Des initiatives ont été prises dans le sens écologique : création de « potagers paroissiaux », installation de chauffages moins « gourmands » en énergie, travaux d’isolation des lieux de culte, partage d’un temps œcuménique pour la Création. « Il est particulièrement difficile d’inviter les paroisses à prendre conscience de leur responsabilité spirituelle », confie JeanPaul Roussennac. « Il s’agit d’accepter de réduire et de renoncer à ses moyens, ce qui n’est pas naturel ». Or, habitudes et pratiques s’enracinent aussi dans une conversion spirituelle. Urgence climatique, partage des richesses et accueil des migrants sont d’actualité et l’Église est bien dans le monde. La réflexion ne s’arrêtera pas à la fin du Synode.