L’histoire des mennonites en Alsace illustre de manière exemplaire la dynamique entre persécution, exil et enracinement. Héritiers du mouvement anabaptiste né à Zurich en 1525, les disciples de Menno Simons se caractérisent par trois convictions majeures : le baptême des croyants confessant librement leur foi, la non-violence radicale inspirée du Sermon sur la montagne, et la séparation entre l’Église et l’État. Ces principes, perçus comme subversifs au XVIᵉ siècle, provoquèrent de sévères répressions, particulièrement en Suisse.

À partir du XVIIᵉ siècle, une partie des communautés anabaptistes trouva refuge dans les campagnes d’Alsace, région alors marquée par les recompositions politiques et religieuses de l’Europe moderne. Leur choix d’implanter leurs fermes dans des zones reculées répondait à une double exigence : survivre en préservant leur discrétion et mettre en pratique un idéal de vie communautaire fondé sur le travail de la terre, la lecture des Écritures et l’engagement pour la paix. Cette présence, souvent invisible aux yeux des contemporains, constitue pourtant l’un des ancrages les plus durables du mennonitisme en Europe occidentale.

1525 – Zurich : Naissance du mouvement anabaptiste avec Conrad Grebel, Felix Manz et Georg Blaurock.

1527 – Schleitheim : La confession rédigée par Michael Sattler pose les bases : baptême des croyants, pacifisme, séparation Église/État.

1536 – Pays-Bas : Menno Simons rejoint le mouvement, qui prend son nom : les mennonites.

XVIIᵉ siècle : Persécutions → migrations vers l’Alsace, le Palatinat et d’autres régions plus tolérantes.

1683 : Premiers départs vers la Pennsylvanie, où la liberté religieuse est garantie.

XVIIIᵉ–XIXᵉ siècles : Fermes mennonites prospèrent en Alsace ; de nouveaux départs vers l’Amérique du Nord et la Russie.

XXᵉ siècle : Les mennonites s’engagent dans le pacifisme et l’action humanitaire (Mennonite Central Committee, 1920).

Aujourd’hui, les mennonites restent présents en Alsace et dans le pays de Montbéliard. Leur discrétion légendaire cache pourtant un héritage précieux. Fidèles à l’Évangile de paix, attachés à la simplicité et à la vie communautaire, ils rappellent qu’une autre manière de croire et de vivre ensemble est possible.

Dans un contexte de crise écologique et de quête de sens, leur sobriété, leur engagement pour la justice et leur ouverture au dialogue résonnent avec des préoccupations très actuelles. Minoritaires mais influents, les mennonites offrent au protestantisme une voix singulière : celle d’une foi libre, pacifique et profondément incarnée dans le quotidien.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : François Ernenwein
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures