Dans le cadre de la Pastorale nationale de l’Amicale des Pasteurs à la retraite, deux journées de conférences denses et stimulantes ont réuni à Sète des intervenants venus croiser géopolitique, écologie, philosophie et théologie : Pierre Bousquet de Florian sur les nouveaux conflits, Martin Kopp sur la crise climatique, Philippe Gaudin sur l’épuisement des utopies, Rodrigo de Sousa et Céline Rohmer sur les ressources bibliques de l’espérance, avant une conclusion portée par Frédéric de Coninck et Christine Pedotti autour d’une question essentielle : comment vivre et partager une espérance pour aujourd’hui et demain ?

Pierre Bousquet de Florian, ancien coordinateur des services de renseignement auprès de la Présidence de la République, nous éclaire sur les guerres permanentes et les conflits nouveaux qui redéfinissent les équilibres mondiaux et nourrissent nos inquiétudes.

Après près de 80 ans sans conflit majeur sur son sol, l’Europe découvre que la guerre n’est plus un objet lointain. Sous l’effet de la guerre en Ukraine, du retour d’une « diplomatie de la force », du doute sur la fiabilité américaine et de conflits diffus que les JT déroulent en continu, la question internationale s’impose désormais parmi les toutes premières préoccupations des Français.
Pierre Bousquet de Florian – ancien coordinateur des services de renseignement auprès de la Présidence de la République – nous éclaire sur ces guerres permanentes et ces conflits nouveaux dont nous devrions nous inquiéter. À l’ère des cyberattaques, des blocus financiers et de la désinformation, le meilleur moyen de vaincre n’est plus de tuer, mais de contrôler.

Fin de l’innocence européenne

Notre imaginaire reste façonné par la guerre « westphalienne » : des États, des armées, des batailles, des traités. Or la conflictualité a changé de visage. La guerre se joue désormais autant dans les infrastructures, les réseaux, les normes et l’opinion que sur les lignes de front. Les sociétés entières deviennent cibles et acteurs, de gré ou de force.

Un triptyque qui structure le présent

Plutôt qu’un continuum paix-crise-guerre, le moment actuel mêle trois modes qui coexistent :

  • Compétition : course à la puissance via l’économie, la recherche, l’influence et la fabrique des normes.
  • Contestation : érosion ciblée d’un adversaire par l’arsenal hybride (sanctions, proxies, infox, cyber).
  • Affrontement : le choc militaire, désormais amplifié par drones, satellites et intelligence artificielle.
    Le résultat est une conflictualité « tiède » mais continue, ponctuée de bouffées de chaleur lorsqu’un théâtre s’embrase.

La « guerre hors limites »

Conceptualisée à la fin du XXᵉ siècle, elle abolit la frontière entre guerre et non-guerre : une manœuvre financière, une panne orchestrée d’énergie ou une campagne virale peuvent faire vaciller un État. S’y ajoutent des fragilités structurelles : dépendances énergétiques et numériques, inégalités et migrations, course aux ressources, affaiblissement du multilatéralisme et poussées illibérales. Autant de leviers qu’exploitent puissances et acteurs non étatiques.

Trois leviers pour ne pas subir

  • Investir dans la science et la technologie : utiliser l’IA, non pour déléguer la décision, mais pour anticiper, protéger les systèmes critiques, démocratiser la puissance d’analyse.
  • Refonder les règles : restaurer l’État de droit chez nous, et co-construire des instruments internationaux crédibles avec le Sud global pour réguler… et faire appliquer.
  • Retrouver le courage civique : sortir du réflexe consumériste, assumer le temps long, être cohérents avec nos principes.

Pour la France et l’Europe, l’enjeu est clair : penser lucidement la transformation de la guerre, durcir la résilience des sociétés et reprendre l’initiative stratégique, politique et morale. Sans cela, nous resterons spectateurs d’un monde où l’arme déterminante n’est plus le feu… mais la prise de contrôle.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Pierre Bousquet de Florian
Propos recueillis par Jean-Luc Mouton et David Gonzalez
Technique : Anne-Valérie Gaillard