La religion orthodoxe en Ukraine : une Eglise en mutation
En Ukraine, la religion orthodoxe joue un rôle central, non seulement sur le plan spirituel mais aussi sur le plan sociopolitique. Le pays abrite plusieurs branches de l’Église orthodoxe, chacune ayant sa propre allégeance et structure. L’Église orthodoxe d’Ukraine, qui a obtenu son indépendance en 2019, est devenue autocéphale, c’est-à-dire indépendante du patriarcat de Moscou. Cette décision a été reconnue par le patriarcat de Constantinople, marquant une rupture significative avec l’Église orthodoxe russe.
L’Ukraine, où 65% de la population se définit comme orthodoxe, a ainsi vu émerger une nouvelle dynamique religieuse. Cette séparation a accentué les tensions entre les fidèles et a redéfini le paysage religieux du pays. Les paroisses et les monastères ont dû choisir entre rester fidèles au patriarcat de Moscou ou se rattacher à la nouvelle Église orthodoxe d’Ukraine. Ce processus a engendré des conflits internes et des réorganisations majeures, avec des enjeux territoriaux et financiers non négligeables.
La religion orthodoxe en Russie : une alliance avec le pouvoir
En Russie, l’Église orthodoxe est étroitement liée à l’État, avec le patriarche Kirill de Moscou soutenant activement les politiques de Vladimir Poutine. Cette alliance entre l’Église et le Kremlin est fondée sur une vision commune de la société, mettant en avant des valeurs morales traditionnelles et un nationalisme affirmé. Le patriarche Kirill a notamment justifié l’invasion de l’Ukraine en la présentant comme une lutte contre un Occident décadent et immoral.
Cette position a renforcé la cohésion interne de l’Église orthodoxe russe, tout en exacerbant les divisions avec les autres branches orthodoxes, notamment en Ukraine. Le soutien de l’Église à la politique étrangère russe a également consolidé son rôle comme gardienne des valeurs orthodoxes et protectrice de la nation russe contre les influences extérieures perçues comme menaçantes.
Conséquences de la guerre en Ukraine : une fracture religieuse profonde
Le début de la guerre en Ukraine a intensifié les fractures au sein du monde orthodoxe. Les églises et les fidèles ukrainiens ont été confrontés à des choix difficiles, entre fidélité nationale et allégeance religieuse. Les déclarations du patriarche Cyrille en faveur de l’invasion ont provoqué des réactions vives, tant en Ukraine qu’au sein de la diaspora orthodoxe.
« Ce qui se joue, c’est le salut de l’homme, sa place aux côtés de Dieu le Sauveur, » a déclaré le patriarche, soulignant l’enjeu spirituel de la guerre. Ces propos ont été perçus comme une tentative de sacraliser le conflit, légitimant ainsi les actions militaires de la Russie. En réponse, de nombreux prêtres orthodoxes ukrainiens se sont désolidarisés du patriarcat de Moscou, affirmant leur opposition à la guerre et leur soutien à l’indépendance religieuse de l’Ukraine.
La guerre a également révélé des dissensions internes au sein même de l’Église orthodoxe russe. Plus de 280 prêtres orthodoxes russes ont signé une lettre ouverte condamnant la guerre et appelant à la paix, malgré la ligne officielle de l’Église. Cette initiative montre que, même au sein de l’institution, les opinions sont divisées sur la légitimité de la guerre et le rôle de l’Église.