Dans une église éventrée de la région de Tchernihiv, où le ciel perce à travers une voûte calcinée, une messe a été célébrée. Quelques femmes âgées, rescapées du village de Lukashivka, ont assisté au service, guidées par un prêtre fidèle au poste malgré les stigmates de la guerre. Cet édifice religieux avait été transformé en base militaire par les forces russes : munitions, vivres, soldats… avant d’être repris par l’armée ukrainienne. Les combats ont laissé l’église en ruine. Et pourtant, la foi s’y est maintenue. C’est cette tension entre destruction et espérance qui traverse le documentaire tourné en Ukraine par une équipe de tournage composée de protestants.

Parti à la rencontre des artistes, des croyants, et surtout des aumôniers militaires, Alban Robert et David Métreau retracent un périple marqué par des rencontres bouleversantes. Leur point d’entrée : un ami réfugié à Odessa, Dimitri, qui les a mis sur la piste d’Alexander Tokov, aumônier militaire capturé dès les premiers jours de la guerre alors qu’il tentait de secourir des soldats sur l’île des Serpents. Avec deux autres ecclésiastiques et un médecin, ils seront détenus pendant plusieurs semaines par les forces russes, victimes de violences psychologiques et physiques, liées notamment à leur engagement religieux. Le documentaire rend hommage à leur foi tenace et à leur combat pour la dignité.

Sur le terrain, la guerre redéfinit tout, y compris la foi. Des groupes de soldats, comme les « Black Sea Defense Group », accueillent d’abord froidement l’idée d’aumôniers. « We don’t need prayers, we need weapons », lance l’un d’eux. Pourtant, la spiritualité, même contestée ou réinventée à travers des symboles païens, reste présente. Entre scepticisme, paganisme revendiqué ou foi chrétienne affirmée, les combattants témoignent d’un besoin de sens dans l’absurde de la guerre.

Dans une église évangélique d’Odessa, proche des installations portuaires ciblées par des drones russes, une soirée de prière réunit des croyants malgré les absents, l’exil, les vitres soufflées. Poings levés, larmes contenues, les fidèles prient pour leur pays, pour la justice, pour la paix. Sans haine, mais avec une dignité poignante. « Le pardon ? » La réponse est nuancée. Pour certains, il est encore trop tôt. Pour d’autres, c’est le seul chemin possible pour survivre intérieurement.

La guerre est partout, même dans les silences. Mais au cœur des ruines, une autre résistance existe : celle de la foi, fragile mais debout.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : David Métreau, Alban Robert
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal Pictures, Alban Robert