Orson Welles, entre vérités et mensonges

Couronnée par le Prix Goncourt de la biographie 2025, Anca Visdei prolonge son art de transmettre l’invisible en sondant les vérités et mensonges d’Orson Welles, illusionniste du cinéma et éternel enfant prodige, tissant entre les époques et les œuvres les fils d’une mémoire vivante. Avec Orson Welles. Vérités et mensonges (Éditions de l’Archipel), la dramaturge rend hommage à l’enfant prodige du cinéma, disparu il y a cinquante ans, et interroge l’étonnant paradoxe d’un génie précoce dont la carrière fut marquée par l’inachèvement. Anca Visdei signe ici la première biographie intégrale d’Orson Welles, une somme aussi rigoureuse qu’élégante, qui comble enfin les silences d’une légende trop souvent réduite à ses mythes.

Tout commence avec Citizen Kane, réalisé à 22 ans, considéré depuis comme l’un des plus grands films de l’histoire du septième art. Tout s’achève, ou presque, avec Vérité et mensonge, œuvre testamentaire où l’illusion et la mémoire se confondent. Entre ces deux pôles, une trajectoire fascinante et tourmentée : Orson Welles, célébré comme un visionnaire, s’est heurté à l’industrialisation d’un cinéma devenu produit, plus qu’art. Ses projets inachevés, victimes de coupes budgétaires ou de la frilosité des studios, témoignent d’un artiste qui refusa de céder sur l’essentiel : la liberté créatrice.

Anca Visdei, qui s’était illustrée par une biographie remarquée de Jean Anouilh, raconte ici un Welles multiple : cinéaste européen par goût, journaliste engagé auprès de Roosevelt, pionnier du documentaire télévisé, prestidigitateur de génie et, bien sûr, homme de radio capable de semer la panique avec sa fameuse Guerre des mondes. Loin de l’image d’un météore brisé, elle dévoile un créateur infatigable, toujours en mouvement, explorant de nouveaux langages, quitte à frustrer ses contemporains.

Le livre éclaire aussi un Welles intime, profondément marqué par son amour de trente ans avec la sculptrice Oja Kodar. Leur relation, faite de complicité et d’échanges artistiques, apporte un contrepoint lumineux à une existence souvent traversée par les obstacles.

Entre vérités et mensonges, l’œuvre et la vie de Welles rappellent que le cinéma, art de l’illusion, peut contenir toutes les vérités possibles. À travers cette biographie dense et sensible, Anca Visdei réhabilite un « petit prince » du cinéma, trop grand pour se plier aux lois du marché, mais assez libre pour avoir laissé une empreinte inaltérable. Un livre qui, comme les films de Welles, vous hante longtemps après l’avoir refermé – et vous fait voir le cinéma, et son histoire, sous un jour radicalement nouveau.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Anca Visdei
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Horizontal pictures