La gestion du vieillissement
Le problème de la prise en charge du vieillissement, c’est que ça semble être une catastrophe pour tout le monde. Ça semble être finalement de la faute de ceux qui s’en occupent. Il faut, et ce n’est pas une mauvaise nouvelle, enfin c’est comme ça en tout cas. Je sais bien, s’il y a une certitude qu’on a, c’est celle-là, c’est la seule qu’on ait. Donc s’il faut refaire avec une personne de 90 ans tout le chemin disant, ben oui, vous ne saviez pas, mais vous allez décrépir et mourir. C’est vrai que c’est un peu toujours… Je me demande alors, je suis peut-être dans la génération qui ne mesure pas ce que ça veut dire etc. et le drame que ça représente, mais je suis toujours un peu étonné du déni de finitude des individus dans nos sociétés.
La préparation et l’anticipation
Juste rajouter une chose, il ne faut jamais mentir, j’en suis persuadée, parce que si on ment, en plus avec beaucoup de personnel, puisque ça tourne beaucoup, à un moment donné on lui dira, elle l’entendra. Donc vaut mieux dès le départ dire des choses vraies. En fait, on parle là beaucoup de situations quand le patient est capable effectivement de donner son avis. Et c’est pour ça que je pense que avoir ce temps de cheminement etc., c’est un luxe qu’on n’a pas forcément toujours dans la réalité. Et c’est pour ça que c’est vrai que ça doit être quelque chose, une discussion qu’il faudrait peut-être aborder ouvertement avec ses enfants, avec ses proches au préalable.
C’est-à-dire, qu’est-ce que j’aimerais, qu’est-ce que je souhaiterais si jamais je perds l’autonomie, si jamais, si jamais, si jamais. Ce que je préférerais que ça soit chez toi peut-être, parce qu’il y a souvent ça, il y a trois enfants qui habitent à trois coins différents de la France, mais pourquoi ce serait près de chez toi et pas chez moi etc. Dans la vie, c’est un peu ça. Donc c’est peut-être des décisions qu’on peut anticiper en parlant avec ses enfants. Effectivement, moi je préférerais dans telle ou telle région, dans telle ou telle chose. Visiter des EHPAD, moi des fois je leur dis, bah vous savez, visiter parce qu’on a souvent des représentations, les médias véhiculent beaucoup de choses, et puis finalement quand on visite on dit, mais en fait je ne m’attendais pas à ça, mais c’est pas si mal. Donc quand on fait cette démarche déjà soi-même quand on est capable de la faire, peut-être que ça désamorce un petit peu la situation au moment où elle est vraiment aiguë.
Les réalités financières et familiales
Parce que quand on a des situations, quelqu’un qui vient de faire un AVC, qui est malheureusement plus capable de décider, là les enfants n’ont pas le choix, c’est vraiment eux qui vont décider. On ne parle pas de ce sujet-là, mais c’est une réalité. Il y a le côté financier, parce qu’il y a aussi ça, c’est est-ce qu’on est capable de payer les EHPAD, est-ce que les enfants vont être capables de le faire ? Tous les enfants n’ont pas les mêmes moyens, donc ça pèse aussi. Ce sont des situations que, quand on ne les a pas anticipées, forcément c’est compliqué, et il y a forcément quelqu’un qui va trancher. Des fois c’est l’aîné de la famille, des fois c’est celui qui aura les moyens. En général, moi c’est un peu ce que je dis en tout cas à mes patients qui sont en consultation : anticipez, organisez-vous, même comme ça et pour les enfants et pour vous, ce sera moins compliqué.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Béatrice Birmelé (médecin), Bruno Carles (Le Refuge protestant, Mazamet), Valérie Ducasse (médecin), Anne Thöni (Aumônerie des hôpitaux)