À l’occasion des Assises de l’Église protestante de Kanaky-Nouvelle-Calédonie, organisées après les émeutes de mai 2024, Gilles Vidal, maître de conférences en histoire du christianisme à l’époque contemporaine, a livré son analyse sur le rôle historique et actuel de cette Église au sein de la société calédonienne.
Historiquement, le protestantisme est profondément enraciné dans la culture kanak. L’Église protestante de Kanaky-Nouvelle-Calédonie (anciennement Église évangélique de Nouvelle-Calédonie et des Îles Loyauté) regroupe près de 20 % de la population et reste composée à 99 % de fidèles kanak. Dès 1979, son synode s’était prononcé en faveur de l’indépendance, traduisant l’alliance entre la foi chrétienne et la revendication d’une reconnaissance politique et culturelle.
Pourtant, malgré ce rôle central, l’Église a progressivement perdu de son influence dans la vie publique. Manque de pasteurs, déscolarisation d’une partie de la jeunesse et éclatement des partis politiques ont contribué à réduire sa visibilité et sa voix prophétique. C’est ce constat qui a conduit à la tenue des Assises : une remise à plat inédite de la vie ecclésiale et de la place de l’Église dans la société.
Ces rencontres ont mis en lumière un malaise profond. Une jeunesse marginalisée, souvent en rupture avec les codes coutumiers et ecclésiaux, a exprimé son sentiment de ne pas être écoutée. Mais elles ont aussi été un espace de liberté de parole, où discriminations et inégalités sociales ont pu être nommées sans détour.
Pour Gilles Vidal, la théologie kanak cherche aujourd’hui à articuler l’Évangile et la coutume, en affirmant une identité chrétienne enracinée dans la culture océanienne. Loin du traditionalisme figé, cette Église se veut médiatrice et porteuse de paix, tout en restant lucide face aux défis politiques et sociaux d’un territoire en pleine mutation.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : François Roux
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Technique – Rédaction : Paul Drion, David Gonzalez