L’amour de Dieu est une expression ambivalente, car elle signifie l’amour dont Dieu nous aime et celui que nous devons lui porter. Dieu ne nous aime pas parce que nous sommes aimables, mais parce qu’il est amour. En réponse à ce don, le commandement inscrit notre amour pour Dieu dans les registres de la quête, du refus de l’idolâtrie et du changement de comportement.
Que disons-nous, que comprenons-nous, lorsque nous parlons de l’amour de Dieu ? Cette expression est ambivalente puisqu’elle signifie à la fois l’amour dont Dieu nous aime et celui que nous devons lui porter.
Commençons par le premier.
Un verset central du Nouveau Testament est celui de l’évangile de Jean qui dit que Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils unique. Dans cet évangile, le mot monde n’évoque pas l’humanité qui aime Dieu, mais l’humanité rebelle. Quand l’évangile déclare que Dieu aime le monde, il ne le fait pas parce que le monde est aimable, mais parce que Dieu est amour.
L’amour de Dieu se présente sous les traits d’un père qui laisse partir son fils, d’un Christ qui meurt pour ses amis et ses ennemis, d’un maître qui se retire pour que ses disciples grandissent. L’amour de Dieu est l’affirmation d’un Dieu qui se donne lui-même pour permettre à sa créature de se déployer dans toutes les dimensions de son humanité. Le signe de cet amour est le geste d’un Christ qui retire son vêtement et qui s’agenouille aux pieds de ses disciples pour leur laver les pieds. Le Dieu de la Bible est un Dieu qui règne, mais sa royauté ne s’exprime pas dans le registre de la domination et de la puissance, mais dans celui de l’offrande de sa personne et du don.
Dieu nous aime et nous appelle à l’aimer.
Le commandement de l’amour de Dieu est au cœur de la confession de foi d’Israël : Écoute Israël… le Seigneur est un… tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta personne. L’expression aimer Dieu est un anthropomorphisme, c’est-à-dire que nous attribuons à Dieu des caractéristiques propres à l’homme, mais comment en parler autrement ? Il convient de l’interpréter.
Nous le ferons à l’aide des trois temps de la confession de foi.
Ecoute Israël, l’amour de Dieu est d’abord une écoute. L’écoute de Dieu est la marque du disciple. Dieu est parole, et une parole qui n’est pas écoutée est vaine, elle se perd. Aimer Dieu, c’est prêter attention à sa parole, à l’étude, à son appel pour notre vie. La pire chose qui peut arriver à la foi est d’avoir un esprit habitué à l’Évangile, de laisser la grâce glisser sur nous comme l’eau sur la plume.
Lorsque nous n’écoutons plus Dieu, nous laissons nos pensées sur Dieu prendre le pas sur le Dieu de la Bible.
Le Seigneur est un. En affirmant l’unicité de Dieu, l’amour est un renoncement à tous les autres dieux. C’est une ascèse qui nous conduit à refuser tous les faux dieux de notre monde, les dieux de l’argent, du pouvoir, de la séduction, du bien-être, de la politique, de la mode… tous ces dieux menteurs qui nous font croire que le sens de notre vie réside dans une idéologie, une réussite sociale ou une consommation.
Tu aimeras le Seigneur de toute ta personne. Nous pouvons comprendre cet appel comme le fait d’élever, de faire grandir, le nom de Dieu. Une lecture enfantine de la foi consiste à croire en Dieu parce que Dieu nous fait du bien, qu’il apaise nos craintes et comble nos émotions. Une foi adulte ne croit pas en Dieu pour ce qu’il apporte, elle est au service de l’Évangile et du prochain. La différence entre un croyant est un disciple et qu’un croyant compte sur Dieu alors que Dieu peut compter sur un disciple. L’évangile nous invite à aimer Dieu en devenant disciples.
La confession de foi d’Israël n’inscrit pas l’amour de Dieu dans le registre du sentiment, mais de la quête, du refus de l’idolâtrie et de la conversion vers une foi désintéressée.
Pour terminer, une citation. Maître Eckart a dit : « Certaines gens veulent regarder Dieu comme ils regardent une vache, avec les mêmes yeux ; ils veulent aimer Dieu comme on aime une vache. Tu aimes celle-ci pour le lait et le fromage et pour ton propre avantage. Ainsi font toutes ces personnes qui aiment Dieu pour la richesse extérieure ou la consolation intérieure. Ils n’aiment pas vraiment Dieu, ils aiment leur propre avantage. »
Production : Fondation Bersier
Texte : Antoine Nouis
Présentation : Gérard Rouzier