Dans le cadre de la Pastorale nationale de l’Amicale des Pasteurs à la retraite, deux journées de conférences denses et stimulantes ont réuni à Sète des intervenants venus croiser géopolitique, écologie, philosophie et théologie : Pierre Bousquet de Florian sur les nouveaux conflits, Martin Kopp sur la crise climatique, Philippe Gaudin sur l’épuisement des utopies, Rodrigo de Sousa et Céline Rohmer sur les ressources bibliques de l’espérance, avant une conclusion portée par Frédéric de Coninck et Christine Pedotti autour d’une question essentielle : comment vivre et partager une espérance pour aujourd’hui et demain ?

La première intervention biblique de cette série est confiée à Céline Rohmer, bibliste à l’IPT, qui ouvre la réflexion en explorant la force de l’espérance dans les Écritures et son écho au cœur des crises contemporaines.

L’espérance selon Paul : une force obstinée au cœur du présent

Parler d’espérance, estime la théologienne, c’est, pour l’apôtre Paul, parler de ce qui structure la vie chrétienne autant que la foi ou l’amour. Dès sa première lettre aux Thessaloniciens, le jeune Paul refuse de laisser les croyants “comme ceux qui n’ont pas d’espérance”. L’espérance, écrit-il, n’est pas un simple regard tourné vers l’avenir, mais une force qui transforme le présent. Elle ne se réduit pas à un espoir – fragile, conditionné, dépendant des circonstances – mais à une attitude existentielle : la confiance que Dieu agit déjà dans l’histoire humaine.

Dans sa lecture passionnée de Paul, le conférencier rappelle combien cette vertu théologale est au cœur de la foi chrétienne : elle vient de Dieu et mène à Dieu. Citant Luther, il souligne que “la foi sans l’espérance n’est rien”, car c’est elle qui soutient et persévère “dans le malheur”. Chez Paul, l’espérance n’est pas une projection du futur, mais un moteur intérieur, “ce qui s’obstine en nous”, ce qui rend le croyant capable de traverser l’épreuve sans renier la promesse reçue.

Avec Abraham, “père des croyants”, Paul trouve la figure de cette fidélité tenace : “il espéra contre toute espérance”. L’espérance chrétienne, dit-il, ne s’appuie sur aucune preuve du monde. Elle n’est pas un optimisme naïf mais une confiance radicale dans la promesse d’un Dieu fidèle. Dans l’Épître aux Romains, Paul élargit encore cette vision : la création tout entière “gémit dans l’attente de sa libération”. L’espérance devient alors universelle, solidaire de toute la création et de chaque être humain.

Dans un monde fracturé, cette lecture paulinienne rappelle une certitude essentielle : l’espérance n’est pas ce qu’on attend, mais la manière d’attendre. Une force qui ouvre la vie, même au cœur du gémissement du monde.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Céline Rohmer
Propos recueillis par Jean-Luc Mouton et David Gonzalez
Technique : Anne-Valérie Gaillard