Les fondements d’une pluralité biblique
La diversité du protestantisme intrigue souvent : dénominations multiples, théologies variées, pratiques distinctes. Pour le théologien Antoine Nouis, cette pluralité n’a pourtant rien d’un accident historique. Elle plonge ses racines dans la Bible elle-même — une évidence que l’on oublie trop vite.
Dans les Écritures, les grands récits ne sont presque jamais uniques : deux versions de l’Exode, deux Décalogues, plusieurs histoires des rois d’Israël, deux récits de la Pentecôte, deux du dernier repas, deux de l’ascension… Et, au cœur du Nouveau Testament, quatre évangiles pour dire l’unique événement du Christ. Pour Antoine Nouis, cette répétition n’est pas une faiblesse : c’est la marque d’un Dieu qui ne se laisse pas enfermer dans un récit unique. « Un seul évangile ne suffirait pas à dire Jésus-Christ », résume-t-il. La pluralité biblique ouvre à une pluralité ecclésiale.
Cette vision éclaire aussi les relations entre confessions. La divergence entre catholiques et protestants, souvent perçue comme une fracture regrettable, peut également être comprise comme une féconde altérité. Antoine Nouis cite une intuition surprenante du cardinal Ratzinger : la séparation, si elle procède du péché des hommes, peut aussi relever d’une forme de providence. Une Église a besoin de l’autre pour ne pas se déformer : le protestantisme rappelle à Rome l’exigence des Écritures et de la conscience ; le catholicisme rappelle aux protestants la continuité historique et l’universalité de l’Église.
Au sein même du protestantisme, la diversité n’est pas seulement un fait : elle est fondatrice. La liberté chrétienne, le primat de la conscience, la responsabilité personnelle suscitent inévitablement des formes ecclésiales multiples. Le défi n’est donc pas d’abolir la diversité, mais de la traverser : se rencontrer, dialoguer, reconnaître ce qui unit.
Antoine Nouis invite ainsi à un « tourisme ecclésial » : visiter d’autres communautés, entendre d’autres accents de la foi. Car c’est souvent dans l’autre que l’on redécouvre ce qui nous unit.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Antoine Nouis
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Anne-Valérie Gaillard
