Dans un monde marqué par la précarité et l’oppression, la naissance de Jésus parle d’un Dieu qui naît dans la pauvreté et le danger. Le Dieu qui est venu à notre rencontre dans une étable vient se nicher dans les exils, les fragilités, les creux, et les blessures de notre propre histoire. Le Dieu de notre humanité.

Dans une de ses prédications, le théologien Paul Tillich écrit :

« Au cours du procès des criminels de guerre à Nuremberg, un témoin vint à la barre, qui avait vécu, pendant quelque temps, dans une tombe du cimetière juif de Vilna, en Pologne. C’était le seul lieu où, avec beaucoup d’autres, il put vivre en se cachant. Il écrivit des poèmes, dont l’un décrit une naissance. Dans une tombe voisine, une jeune femme donna naissance à un garçon. Le fossoyeur octogénaire prêta son concours, enveloppant l’enfant d’un suaire de toile. Lorsque l’enfant nouveau-né poussa son premier cri, le vieillard se mit à prier : “Grand Dieu, nous as-tu enfin envoyé le Messie ?“ Car qui d’autre que le Messie lui-même peut naître dans une tombe ? »

Ce poème est une métaphore de Noël ? Que célébrons-nous à la crèche ? Une naissance, une vraie naissance, et tous ceux qui ont assisté à une naissance savent que c’est un événement spirituel, métaphysique, qui nous situe face au mystère de la vie. Mais une naissance dans une étable, une vraie étable, pas l’étable aseptisée que l’on trouve dans les crèches des grands magasins. Une vraie étable avec des vrais animaux, de la vraie poussière, un vrai désordre et de vraies mouches.

Dans l’étable de Bethléem, un enfant naît… et la Bible dit que c’est le sauveur du monde… et la théologie dit qu’en lui le Dieu tout puissant, créateur du ciel et de la terre, vient faire sa demeure parmi les humains.

Les récits de Noël ne se trouvent que dans les évangiles de Matthieu et de Luc. Certains en ont conclu qu’ils ne sont donc pas indispensables à la compréhension de l’évangile. Indispensables peut-être pas, mais importants sûrement en ce qu’ils annoncent déjà le cœur de l’Évangile.

Que racontent ces récits ? Une grossesse douteuse, un homme généreux qui accueille sa fiancée enceinte chez lui, un couple en voyage pour répondre aux exigences d’un tyran, l’accouchement dans une étable, des bergers méprisés qui assistent à un concert d’anges, des savants étrangers qui s’agenouillent devant un nouveau-né, des enfants massacrés, un nouvel exil en terre étrangère… comment ne pas voir dans ces récits un concentré d’Évangile ?

Souvent les récits de commencement sont fondateurs, ils disent l’essentiel de ce qui se prépare. Si on s’interroge sur la personne et le ministère de Jésus, à Noël tout l’évangile est en germination. Dans un monde marqué par la précarité et l’oppression, la naissance de Jésus parle d’un Dieu qui naît dans la pauvreté et le danger. Ce Dieu-là, nous sommes invités à le retrouver dans les exils, les fragilités, les creux, et les blessures de notre propre histoire.

Pour terminer, un midrash de Noël.

Dans son rêve, Joseph voit un ange qui lui ordonne de fuir en Égypte, car Hérode veut tuer son enfant, mais il est perplexe. Pourquoi doit-il partir ? La route est longue et difficile, elle traverse un désert. Marie est si fatiguée, et l’enfant si fragile. Il lui faut absolument trouver une monture.

Il n’est pas question de penser à un chameau, c’est bien trop cher. Même pour un cheval, il n’a pas assez d’argent ! Peut-être trouvera-t-il un homme compatissant qui accepterait de lui vendre un âne pour les quelques pièces qu’il a emportées avec lui.

Il demande aux habitants de Bethléem s’ils lui vendraient un âne, mais le prix qu’il propose est ridicule. Finalement, un homme accepte de lui céder un vieil âne dont il ne se sert plus, car il est boiteux.

Comme il n’a pas le choix, Joseph achète l’âne boiteux et retourne à l’étable. Là, il se penche inquiet sur le berceau que Marie avait installé dans une mangeoire, et il contemple son enfant. Pourquoi le roi a-t-il peur de ce petit ? Comment peut-il espérer échapper aux cavaliers du roi avec un âne boiteux ? Il ne lui reste qu’à faire confiance à la parole de l’ange.

L’officier d’Hérode qui avait été envoyé de Jérusalem pour surveiller les enfants de Bethléem est informé qu’une famille avec un jeune enfant a pris la fuite vers le sud. Il prend la tête d’une petite troupe de cavaliers pour rattraper les fuyards. Après quelques heures de course, ils repèrent leurs traces sur la piste. L’officier distingue bien les pas d’un homme, ceux d’une jeune fille qui traîne un peu les pieds, comme si elle était malade ou très fatiguée, et enfin la trace d’un âne qui boite.

Il arrête sa troupe et ordonne à ses soldats de faire demi-tour. Celui qu’il recherche est une menace pour le roi, ce n’est pas un miséreux accompagné d’un âne boiteux !

Production : Fondation Bersier
Texte : Antoine Nouis
Présentation : Gérard Rouzier

Cette vidéo est une rediffusion du 25 décembre 2018.