L’évangile du dimanche du 16 novembre (Luc 21.5-19)
La résistance dans les tragédies de l’histoire
Introduction
La séquence qui précède notre passage évoque une pauvre veuve qui met tout ce qu’elle a pour vivre dans la caisse du temple pour l’entretien du bâtiment, pourtant ce dernier va être détruit. Ce chapitre évoque la vanité des constructions humaines dont nous sommes si fiers.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
L’annonce de la destruction du temple
Les exégètes s’appuient sur ce passage pour dire que l’évangile de Luc a forcément été écrit après 70, date de la destruction du temple. Peut-être que la rédaction est tardive, mais cet argument est faible. Il n’est pas très difficile au temps de Jésus de prévoir qu’un système religieux qui pille les veuves pour entretenir un bâtiment et une caste de prêtres qui se pavanent dans de longues robes et qui aiment être salués court à sa perte.
En hébreu, le mot prophète vient d’un verbe qui signifie venir ; le prophète est celui qui voit ce qui vient. Jésus voit que le temple ne peut tenir dans la durée.
Le tragique de l’histoire
Nation se dressera contre nation et royaume contre royaume, il y aura de grands tremblements de terre et, dans divers lieux, des pestes et des famines. Pas besoin de chercher bien loin pour se demander quand cela arrivera, il suffit d’ouvrir le journal. Depuis que Jésus a parlé toutes les époques ont été marquées par les guerres, les tremblements de terre, les épidémies et les famines.
Parfois on entend dire : Si Dieu existe, pourquoi les guerres, les tremblements de terre, les pestes et les famines ? La réponse de l’évangile est que l’histoire est marquée par les tragédies et que Jésus les a annoncées.
Pistes d’actualisation
1er thème : ne vous laissez pas égarer
Les temps de crises ont souvent été marqués par l’émergence de discours religieux qui cherchent à entraîner les humains dans des illusions messianiques.
Nous en trouvons une illustration dans l’actualité avec les discours religieux qui dans les deux Amériques encouragent les politiques les plus identitaires, démagogiques, antisociales et finalement idolâtres.
C’est pourquoi Jésus alerte ses disciples, plusieurs prétendront parler en son nom, mais ils ne doivent pas se laisser égarer. Plus la situation est exceptionnelle plus nous sommes appelés à la fidélité la plus commune. Quand le monde s’effondre, il faut rester fidèle à ses fondations : la famille, l’Église, la solidarité, le voisinage, le travail quotidien.
2e thème : Cela vous amènera à porter témoignage
Une des grandes leçons de l’histoire est qu’il est vain de combattre une idée en persécutant ceux qui la portent. On peut tuer un humain, il est plus difficile de tuer une idée. Tertullien a écrit que le sang des martyrs était une semence de chrétiens. Dans l’histoire, la persécution a souvent renforcé l’Église au lieu de la détruire.
Jésus a prédit à ses disciples qu’ils seront persécutés, il a aussi prédit que l’Église était invincible et que les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle (Mt 16.18).
3e thème : Pas un seul cheveu de votre tête ne sera perdu
Jésus n’a pas promis à ses disciples qu’ils seront épargnés par les épreuves – il leur annonce même que plusieurs seront mis à mort à cause de lui – il leur a promis que Dieu connaît leurs cheveux et que pas un seul sera perdu.
La Bible n’est pas optimiste en ce qu’elle ne dit pas que tout va bien se passer ni que tout va s’arranger, elle parle de l’espérance d’un Dieu qui n’abandonne pas ses enfants. Comme le disait le théologien Jean Aubin : « On peut supposer que les chrétiens jetés aux fauves par Néron étaient remplis d’espérance plutôt que d’optimisme. Ils ne se risquaient pas à se dire que ça allait bien se passer, mais ils mettaient leur espérance dans la certitude, au-delà de l’épreuve, d’être accueillis dans la lumière de Dieu. »
Une illustration : Rien ne nous séparera de l’amour du Christ
Quand Jésus déclare que pas un seul cheveu de notre tête sera perdu, il croise la grande déclaration de l’épître aux Romains, lorsque Paul pose la question de ce qui pourrait le séparer de l’amour de Dieu. Il énumère les possibilités : La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le péril, ou l’épée ? Précisons que Paul ne fait pas de la théologie en chambre, toutes ces détresses, il les a connues dans son ministère lorsqu’il déclare : Trois fois j’ai été frappé à coups de bâton, une fois j’ai été lapidé, trois fois j’ai fait naufrage ; j’ai passé un jour et une nuit dans les abysses. Voyageant à pied, souvent ; exposé aux dangers des fleuves, aux dangers des bandits, aux dangers de la ville, aux dangers du désert, aux dangers de la mer, aux dangers parmi les faux frères…souvent dans les jeûnes, dans le froid et le dénuement… (voir 2 Co 11.25-27). Et pourtant il ajoute : Mais dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Car je suis persuadé que ni mort, ni vie, ni anges, ni principats, ni présent, ni avenir, ni puissances, ni hauteur, ni profondeur, ni aucune autre création ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ, notre Seigneur (Rm 8.35-38).
La deuxième épître aux Thessaloniciens du dimanche 16 novembre (2 Thessaloniciens 3.7-12)
Rester responsable
Le contexte – La seconde épître aux Thessaloniciens
Le deuxième épître aux Thessaloniciens apporte quelques correctifs à de mauvaises interprétations de la première épître à cette Église qui insistait sur la venue du Christ.
La première dérive vient de certains qui prétendaient que Paul aurait dit que le Jour du Seigneur serait déjà là (2 Th 2.2). Il répond que la venue du Seigneur sera visible par tous et qu’il réduira à rien toutes les œuvres du mal.
La deuxième dérive concerne le comportement de certains qui se seraient arrêtés de travailler au nom de l’imminence de la venue du Seigneur. Dans le passage de cette semaine, Paul est sans indulgence pour ces soi-disant spirituels : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! (2 Th 3.10).
Que dit le texte ? – Paul a travaillé
Un commentaire rabbinique dit que lorsque Dieu a annoncé à Adam, comme conséquence de la désobéissance du jardin, la terre fera pousser pour toi des épines et des chardons, Adam lui a répondu, les yeux pleins de larmes : « Seigneur de l’univers, suis-je condamné à partager ma nourriture avec les ânes ? » Mais lorsque Dieu a ajouté : C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, l’homme s’est calmé, car il a compris que, par son travail, il pouvait s’élever au-dessus de la condition animale.
Par opposition au monde grec qui considère que le travail manuel est réservé aux esclaves et qu’un citoyen qui se respectait ne devait pas travailler, la Bible le considère comme une vocation et même un commandement : Tu travailleras six jours… et le septième jour, tu ne feras aucun ouvrage (Ex 20,9-10). Il procède de la participation de l’humain à l’œuvre de Dieu.
Paul a appliqué ce principe et il a toujours cherché à exercer son métier de fabricant de tentes lorsqu’il séjournait dans une Église. Il l’a fait pour ne pas être à la charge de ceux qui le recevaient, mais nous pouvons aussi penser qu’il avait une raison théologique, ne pas dissocier l’évangile du travail des mains.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’apocalypse de Luc
Dans le passage de l’évangile de cette semaine, Jésus prévient que dans les derniers temps, quand on entendra parler de bruits de guerres et de désordres, plusieurs tiendront des discours apocalyptiques appelant à sortir du monde. Jésus prévient ses disciples : Veillez à ne pas vous laisser égarer.
Certains de ces discours ont dû être tenus à Thessalonique puisque des membres de l’Église ont arrêté de travailler en raison de la venue du Christ en gloire. Paul actualise l’appel à ne pas se laisser égarer en rappelant que l’extraordinaire de la venue de Dieu dans notre monde ne doit pas nous détourner de l’ordinaire de nos responsabilités humaines ici-bas.
Le livre de Malachie du dimanche 16 novembre (Malachie 3.19-20)
Le jour du Seigneur
Le contexte – Le livre de Malachie
Le livre de Malachie est le dernier des livres prophétiques, c’est un des plus tardifs puisqu’il date de la période perse, après la reconstruction du temple (1.8). Le nom Malachie signifie mon messager, c’est un titre qui est peut-être devenu un nom propre.
Le livre a la particularité de poser un certain nombre de questions au Seigneur qui est interrogé sur les manifestations de son amour : En quoi nous aimes-tu ? (1.2), sur l’utilité des prescriptions cultuelles : En quoi t’avons-nous souillé ? (1.7), sur son action dans le monde : Où est le Dieu du jugement ?(2.17), sur la question de la conversion : En quoi devons-nous revenir ? (3.7), en enfin sur l’utilité du bon comportement : C’est inutilement que l’on sert Dieu : qu’avons-nous gagné à assurer son service ?(3.14). Le livre se présente sous la forme d’un dialogue entre des questions et des réponses. Le thème général est celui de la foi : À quoi ça sert d’être fidèle, puisque Dieu ne se manifeste pas plus clairement ?
Que dit le texte ? – Le jugement de Dieu
À toutes ces questions, le passage que nous avons lu qui se situe à la fin du livre apporte une réponse unique : le jugement de Dieu qui se manifeste sous deux formes.
La disparition des méchants : Ce jour qui vient les embrasera… il ne leur laissera ni racine ni rameau.Le jugement de Dieu se présente comme un feu qui détruit toute l’arrogance et toutes les méchancetés du monde qui ne repousseront plus jamais. On rêve d’un monde où il n’y a plus ni arrogants ni méchants.
La guérison pour ceux qui craignent Dieu qui seront dans l’allégresse : vous sortirez et vous sauterez comme des veaux à l’étable.
Souvent le jugement est perçu comme une annonce terrible, ici il prend la forme d’une espérance, la fin du mal et la guérison du monde.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’apocalypse de Luc
Le passage de l’évangile de cette semaine évoque un temps d’épreuves et de persécution. Jésus prévient ses disciples : Vous serez détestés de tous à cause de mon nom. Mais il ajoute une promesse : Pas un seul cheveu de votre tête ne sera perdu qui rejoint le jugement du livre de Malachie.
Nous devons nous souvenir que dans l’évangile, le jugement de Dieu a d’abord été porté par le Christ selon la prophétie du livre d’Ésaïe : Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui (Es 53.5). Dans le Nouveau Testament, le jugement de Dieu n’est plus un tribunal qui nous ferait aller dans le bon ou le mauvais camp pour l’éternité, mais la réconciliation de notre histoire par l’élimination de toute méchanceté et toute arrogance afin de ne conserver de personne que ce qui mérite d’être éternisé.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis
