L’évangile du dimanche du 19 octobre (Luc 18, 1-8)

Le combat de la persévérance

Introduction

Quand Luc a transmis la prière du Notre Père dans son évangile, il a associé à son enseignement des petites paraboles pour encourager ceux qui sont découragés dans leur prière par le manque d’exaucement. Dans la même veine, il rapporte une parabole qui met en scène un juge et une veuve.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Les juges

Dans le livre du Deutéronome qui est selon la tradition, le testament de Moïse à la veille de sa mort, la première chose que fait Moïse pour organiser le peuple est de nommer des juges à qui il fait la recommandation suivante : Vous ne vous montrerez pas partiaux dans le jugement ; vous écouterez le petit comme le grand ; vous ne craindrez aucun homme, car c’est à Dieu qu’appartient le jugement (Dt 1.17). Ce qui tout ce que ne fait pas le juge de la parabole puisqu’il n’écoute pas la petite veuve et qu’il ne craint pas Dieu.

Une ville dans laquelle la justice n’est pas rendue de façon intègre est une ville où il ne fait pas bon vivre.

Les veuves

Dans le Premier Testament, les veuves sont toujours associées aux orphelins et aux immigrés comme des catégories de personnes qui n’ont pas de protection naturelle, c’est pourquoi elles doivent être protégées par la loi.

La veuve de Sarepta chez qui Élie s’est rendu, la veuve qui met sa dernière pièce dans le coffre du temple où la veuve de cette parabole sont des images de précarité. Elles font partie de ceux qu’on appelle les pauvres du Seigneur, qui n’ont rien que leur foi, leur courage et leur persévérance pour vivre et survivre.

Pistes d’actualisation

1er thème : La force de la faiblesse

La parabole met en scène deux personnages que tout oppose. Le premier est fort, il ne craint pas Dieu et n’a d’égard pour personne. Le second est faible, c’est une veuve qui n’a personne pour la protéger. Pourtant à la fin, c’est la veuve qui gagne, car elle a utilisé ses armes de veuve : sa parole et sa persévérance.

Cette parabole est une illustration du cantique de Marie qui se trouve au début de l’évangile de Luc qui dit à propos de Dieu : Il a dispersé ceux qui avaient des pensées orgueilleuses, il a fait descendre les puissants de leurs trônes, élevé les humbles (Lc 1.51-52). La veuve de la parabole est comme Marie une de ces figures d’un évangile pour lequel les petits sont plus importants que les grands. Jésus a érigé ce renversement en principe lorsqu’il a dit les derniers seront les premiers et les premiers derniers, qui a dit que les vrais maîtres sont les serviteurs et les vrais grands les petits.

2e thème : L’invitation à la persévérance

Cette histoire est la parabole de la persévérance. Rien de grand dans le monde ne s’est fait sans persévérance. Paul utilise souvent la métaphore du sportif pour évoquer la foi. De même qu’un sportif de haut niveau doit s’imposer un entraînement rigoureux pour rester compétitif, le chrétien devrait déployer la même rigueur pour persévérer dans la foi et dans la prière.

À propos de cette vertu, saint Bernard a écrit : « Que me reste-t-il à faire, ô mes biens aimés, sinon à vous exhorter la persévérance ? C’est la vertu qui couronne toutes les autres et qui est comme la marque des héros. Sans elle, point de victoire pour celui qui combat, point de triomphe pour celui qui remporte la victoire… Sœur de la patience et fille de la constance, elle est l’amie de la paix, le ciment de l’amitié, le lien de la concorde, le rempart de la sainteté. »

3e thème : Trouvera-t-il la foi sur la terre ?

Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? Le dernier verset de notre passage est une brûlure que nous devons prendre très au sérieux. Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il des hommes et des femmes qui ont la persévérance de la veuve ? Me trouvera-t-il fidèle dans la persévérance ?

Face à cette question redoutable, nous pouvons poser deux versets : Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! (Mc 9.24)… et : Donne-moi plus de foi (Lc 17.5).

Le combat de la prière est le combat contre l’aridité, la fatigue, la lassitude pour continuer à prier malgré les échecs de la prière. Que le Seigneur soit à nos côtés dans ce combat.

Une illustration : Le cœur et la pierre

Une parabole qui vient de la tradition des pères du désert parle de la persévérance. Un ancien fait la comparaison suivante. « La nature de l’eau est tendre, celle de la pierre, dure, mais si l’eau coule constamment goutte à goutte, elle creuse la pierre peu à peu, et cette dernière devient une vasque qui retient l’eau. De même la Parole de Dieu est tendre et notre cœur est dur, mais l’homme qui entend fréquemment la Parole creuse son cœur pour accueillir la présence de Dieu. » Ce qui est dit de la parole peut se dire de la prière : la prière persévérante finit par venir à bout du cœur le plus endurci.

La deuxième épître à Timothée du dimanche 19 octobre (2 Timothée 3.14 et 4.2)

Méditer et habiter la Parole

Le contexte – La deuxième épître à Timothée

Les épîtres pastorales s’adressent à une Église confrontée au défi de la durée et de l’institutionnalisation. La foi est un émerveillement, mais elle est aussi une fidélité. Le défi du croyant comme de la communauté est de garder le sens de l’émerveillement lorsque l’usure se fait sentir et que l’habitude menace.

C’est avec cet arrière-fond que nous devons relire ces épîtres et entendre le message du texte de ce dimanche : l’enracinement dans la Parole.

Que dit le texte ? – La Parole de Dieu

L’épître commence cette partie sur notre relation à la parole par cette recommandation : Demeure en ce que tu as appris. Nous retrouvons l’idée de la foi comme une demeure qui est très présente dans le quatrième évangile. Il ne s’agit pas simplement de lire la Parole, mais de l’habiter, c’est-à-dire de la faire entrer en résonnance avec notre propre histoire. Qu’est-ce que notre vie dit à notre lecture, qu’est-ce que notre lecture dit à notre vie ?

Les Écrits sacrés peuvent te donner la sagesse en vue du salut par la foi qui est en Jésus-Christ. Le salut, c’est-à-dire le sens de notre existence, ne se trouve pas dans les Écritures, mais les Écritures donnent la connaissance du salut. Méditer la Parole nous permet de nourrir la foi qui n’est pas une connaissance intellectuelle, mais une habitation, l’épître dit une éducation pour la justice.

Enfin Timothée est invité à proclamer la Parole. Tous les prédicateurs sincères le savent bien : la première personne à qui ils parlent, c’est à eux-mêmes. Le fait de dire, de témoigner, de partager la Parole nous permet de mieux la comprendre, de l’enraciner en nous, de mettre notre intelligence au service de notre foi. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Le juge et la veuve

La veuve de la parabole, dans son combat contre un juge inique qui ne craint personne, ni Dieu ni les humains, pourrait considérer qu’elle n’a aucune chance de faire valoir ses droits et abandonner le combat en faveur de la justice. Pourtant elle persévère, et elle le fait avec suffisamment de ténacité pour infléchir la décision du juge.

Où la veuve a-t-elle puisé la source de sa persévérance ? L’épître à Timothée répondrait dans la méditation de la Parole. S’enraciner dans la parole de Dieu nous donne l’espérance qui nous permet de ne jamais abandonner le combat pour la justice. La parole de Dieu est une lumière dans nos vies, une assurance dans nos échecs, une espérance dans nos ténèbres.

Le livre de l’Exode du dimanche 19 octobre (Exode 17.8-13)

Les armes du croyant

Le contexte – Le livre de l’Exode

Le livre de l’Exode raconte la naissance d’une nation, comment les enfants d’Israël qui étaient en esclavage sont devenus un peuple dans une quête de liberté avec une loi et des institutions puisqu’il raconte l’installation de juges et de prêtres.

Dans son histoire, un peuple doit aussi se doter de moyens d’assurer sa protection. Le texte de ce dimanche raconte la première attaque de la part d’une bande de pillards dirigée par Amalec. Les commentaires ont insisté sur le fait qu’à ce moment de son histoire, Israël est dans le désert et qu’il ne possède ni territoire, ni religion, ni souveraineté nationale. Selon la tradition, la seule raison de l’attaque d’Amalec est sa haine des Juifs, l’antisémitisme. Plus tard tous les grands ennemis d’Israël qui agiront par antisémitisme seront considérés comme des descendants d’Amalec. Haman, qui voulait la mort de tous les Juifs au moment de la reine Esther, est Amalec ; Hadrien l’empereur antisémite est Amalec ; Chmielnicki à la tête de ses cosaques est Amalec ; Hitler est Amalec. Le récit est emblématique de la résistance face au mal. 

Que dit le texte ? – Amalec

L’attaque d’Amalec est racontée avec plus de détails dans le livre du Deutéronome : «Souviens-toi de ce qu’Amalec t’a fait en chemin lorsque vous êtes sortis d’Égypte, comment il est venu à ta rencontre, en chemin, pour attaquer ton arrière-garde, tous ceux qui se traînaient en dernier, alors que tu étais fatigué, épuisé, et cela parce qu’il ne craignait pas Dieu » (Dt 25.17-18). Amalec a attaqué Israël par-derrière en s’en prenant à ceux qui sont fatigués, les vieillards et les enfants. 

Un commentaire raconte que lorsque Amalec a voulu attaquer Israël, un ange est allé le voir et lui a dit : « Pourquoi fais-tu cela, tu sais bien que Dieu est avec son peuple ! Il vient de réduire à néant l’Égypte et ses chars. Tu ne crois pas que tu vas vaincre le peuple de Dieu à la tête de ta bande de pillards. » Quand on est mû par la haine, les arguments rationnels n’ont pas de prises, c’est pourquoi Amalec a poursuivi son projet de détruire les enfants d’Israël.

Pour combattre Amalec Josué est dans la plaine avec des soldats et Moïse est sur la colline pour implorer Dieu. Pour se défendre, un peuple a besoin d’armée et de prière. D’armée parce qu’il faut bien arrêter le mal et de prière car personne ne vit de pain seulement. Une armée sans prière perd son âme et une prière sans armée est utopique. 

Nous retrouvons l’aphorisme de Pascal qui disait qu’« il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste »

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Le juge et la veuve

Quand on n’a pas d’armée, il reste encore la prière, c’est ce que raconte la parabole du juge et de la veuve. Dans la confrontation entre les deux personnages, la dissymétrie est radicale. D’un côté un homme qui a le pouvoir et qui est présenté comme ne craignant pas Dieu et n’ayant d’égard pour personne, et de l’autre une pauvre veuve qui n’a personne pour la soutenir. 

Pourtant, la veuve finit par infléchir la décision du juge grâce à sa persévérance. Par rapport au récit d’Amalec, le texte de l’évangile est une apologie de la non-violence puisque le faible ne combat pas par les armes, mais par la spiritualité. Si le Premier Testament parle d’une nation, l’évangile s’adresse à des témoins.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Christine Pedotti