L’évangile du dimanche du 23 novembre (Luc 23, 35-43)

Une royauté paradoxale

Introduction

Dans le calendrier liturgique, le dernier dimanche de l’année – dimanche prochain, nous serons le premier dimanche de l’avent – et la fête du Christ roi qui célèbre la royauté du Christ sur toutes les nations. Le panneau accroché à la croix dit que le Christ est roi, c’est un roi supplicié, et moqué par les religieux qui l’ont condamné et les soldats qui l’ont crucifié.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Le vin aigre

Dans les quatre évangiles, on propose du vin aigre à Jésus en croix. Dans les autres on peut interpréter ce geste en lien avec la tradition qui disait qu’on en faisait boire les suppliciés afin de les étourdir, ce qui est un geste de compassion. Dans le contexte de ce verset, c’est un geste de moquerie qui accomplit le verset du Psaume qui dit : Ils mettent du poison dans ma nourriture, et, pour apaiser ma soif, ils me font boire du vinaigre (Ps 69.22).

Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis

Le aujourd’hui de la réponse de Jésus évoque l’urgence de l’évangile. Jésus est en croix, il souffre et il est rejeté, mais le plus important pour lui est d’accueillir dans son paradis le brigand qui partage son sort. Jusque sur la croix, il est dans l’accueil et le pardon.

Pistes d’actualisation

1er thème : Les chefs religieux et le diable

Les chefs religieux et les soldats se moquent de Jésus est accomplissent le Psaume 22 qui commence par le cri de Jésus : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? et qui se poursuit par la moquerie de ses adversaires : Tous ceux qui me voient se moquent de moi, ils ouvrent les lèvres, hochent la tête (Ps 22.2,8). Ils disent que si Jésus est le Christ, il n’a qu’à se sauver lui-même. Le procédé est particulièrement ignoble : ils ont flagellé Jésus, il l’ont crucifié, et maintenant ils lui demandent de se libérer lui-même !

Les religieux se rendent-ils compte qu’ils tiennent le discours des ennemis du psalmiste ? Se rendent-ils compte qu’ils tiennent le discours du diable qui dans la tentation au désert a proposé à Jésus de se jeter du haut du temple pour prouver sa messianité (Lc 4.9).

2e thème : Le brigand théologien

En demandant à Jésus de se souvenir de lui quand il entrera dans son royaume, le brigand déclare que Jésus est le propriétaire du royaume, autrement dit il le confesse comme Christ. Dans l’évangile, chaque fois que Jésus a annoncé la croix, les disciples ne l’ont pas cru, ne l’ont pas entendu. Et les religieux ont démontré qu’il ne pouvait être celui qu’il prétend être en le crucifiant. Le premier homme à associer le mot Christ et le mot croix et le brigand à ses côtés.

Dans un de ses sermons, Saint Augustin s’étonne de cette acuité théologique et interroge le malfaiteur pour savoir si, entre deux brigandages, il n’aurait pas étudié les Écritures et particulièrement le chapitre 53 d’Ésaïe. Le théologien met dans la bouche du malfaiteur la réponse suivante : « Non, je n’ai pas étudié les Écritures, mais Jésus m’a regardé et dans son regard, j’ai tout compris. »

3e thème : Jésus est roi

Sur la croix, un titulus indique les raisons de la condamnation : Cet homme est le roi des Juifs. Les Romains ont écrit cela par dérision, comme s’il disait : Regardez à quoi ressemble votre roi ! Et par un renversement dont l’évangile a le secret, ce titulus est juste. Nous retrouvons l’ironie de Caïphe qui dans le quatrième évangile veut se débarrasser de Jésus en disant : Vous ne vous rendez pas compte qu’il est avantageux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne soit pas perdue tout entière (Jn 11.50). Ce qu’on peut appeler les vérités du second degré.

L’évangile est tellement paradoxal que c’est lorsqu’on veut le détruire qu’on l’accomplit. C’est dans la faiblesse que se révèle la force de l’évangile, c’est dans l’humilité que se révèle sa grandeur, c’est dans l’humiliation que se révèle sa victoire.

Une illustration : L’ivrogne de Dostoïevski

Lorsque Jésus accueille le brigand crucifié à ses côtés, il en fait un hôte de marque de son paradis. Ce paradis n’est pas celui des justes, mais celui des humbles.

Un des personnages les plus ignobles de la littérature est Marméladov, l’ivrogne de Crime et Châtiment. Dostoïevski met en scène cet homme qui a conduit sa fille à la prostitution pour assouvir son vice et nourrir sa famille. Un soir de beuverie, quand l’alcool conduit à la lucidité, l’ivrogne raconte : « Au jour du jugement, Dieu nous convoquera nous aussi : Allons, approchez, vous autres ! Venez les ivrognes, venez les infâmes, venez les impudiques ! Et nous avancerons tous sans aucune honte. Et les raisonnables s’écrieront : comment, vous les recevez, ceux-là aussi… Et il leur répondra : si je les reçois, ô vous les raisonnables et les intelligents, c’est que pas un d’entre eux ne s’en est jugé digne… Et il nous ouvrira les bras et nous nous y jetterons… Et nous fondrons en larmes et nous comprendrons tout ! Et tous comprendront. »

La deuxième épître aux Colossiens du dimanche 23 novembre (Colossiens 1.12-20)

Le Christ, image du Dieu invisible

Le contexte – L’épître aux Colossiens

L’épître aux Colossiens présente une certaine proximité avec celle aux Éphésiens avec l’image d’un Christ glorieux qui était à la création du monde et en qui toute l’histoire est récapitulée, qui est la tête du corps qui est l’Église, qui opère la réconciliation et en qui les chrétiens sont déjà ressuscités. 

Cette grande affirmation christologique est une réponse à un danger qui menace l’Église. Certaines personnes, dont nous ignorons tout, appellent les Colossiens à mener une vie ascétique au nom d’une sagesse supérieure. Paul répond que tout est donné en Christ et que tout est réconcilié en lui. La vie chrétienne ne consiste pas à escalader une montagne pour trouver le Christ, mais à être témoins de la façon dont il nous a rejoints.

Que dit le texte ? – L’hymne au Christ roi

L’essentiel de l’hymne souligne la grandeur du Christ en qui tout a été créé, qui est avant tout et en qui tout se tient : il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude, et par lui, de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux.

Cette réconciliation a eu lieu à la croix. Autrement dit, la réconciliation repose sur le fait que le plus grand est devenu le plus petit, le plus abject. À la croix, ce n’est pas un agitateur religieux qui est mort, ni un révolutionnaire, ni un infidèle, mais celui qui est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute création

L’épître aux Colossiens développe une christologie haute qui insiste sur la divinité du Christ, mais c’est pour souligner le chemin parcouru par Dieu depuis les plus hautes sphères célestes jusqu’à l’innommable de la croix. Parce que la totalité de la distance qui sépare le plus bas de notre humanité au plus sublime de la divinité a été parcourue par le Christ, nous pouvons nous appuyer sur la parole de réconciliation.

En parlant du sang de la croix, Paul utilise le langage sacrificiel pour nous faire comprendre que la croix procure la paix, car elle représente le jusqu’au bout du don de Dieu pour l’humanité. Comme la réconciliation, la paix avec Dieu ne vient pas de nous, elle est un don du Christ. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Le Christ en croix 

Si tout a été réconcilié à la croix et que la réconciliation vient de Dieu seul, rien ne saurait lui échapper, même le plus vil des hommes peut être au bénéfice du salut, c’est ce qu’a expérimenté le brigand qui était crucifié aux côtés de Jésus. Lui qui a commis des actes suffisamment répréhensibles pour mériter la crucifixion est le premier accueilli dans le royaume de Dieu.

 Nous pouvons nous appuyer sur cette promesse faite au brigand pour nous enraciner dans l’assurance du salut de Dieu pour nous. 

Le livre de Samuel du dimanche 23 novembre (2 Samuel 5.1-3)

David devient roi

Le contexte – Le deuxième livre de Samuel

Le premier livre de Samuel raconte l’instauration de la royauté, le règne de Saül et la traque de David. Il se termine avec la mort du premier roi avec son fils Jonathan, ce qui est un drame pour David qui était son ami. 

Au début du second livre, David est nommé roi de Juda, pendant qu’Ish-Bosheth, un fils de Saül, est nommé roi d’Israël. Ce dernier attaque David dans une guerre civile qu’il perd, ce qui affaiblit son pouvoir. Il se brouille avec Abner, son général, qui propose une alliance à David. Finalement, Ish-Bosheth est assassiné et les tribus d’Israël se tournent vers David.

Que dit le texte ? – David appelé comme roi

David était déjà roi de Juda, ce sont maintenant toutes les tribus d’Israël qui se tournent vers lui pour qu’il soit leur roi. Par leur demande, elles opèrent la réunification de tous les enfants d’Israël sous l’autorité d’un roi unique, David.

David devient une figure messianique en ce qu’il accomplit la promesse faite à Abraham et répétée à Isaac et Jacob : Je te donnerai une terre et une descendance. Cette promesse est au fondement de la foi d’Israël et à ce moment de l’histoire les enfants d’Abraham forment un peuple uni sous un même roi avec une terre, bientôt une capitale puis quelques décennies plus tard un temple.

Dans le premier livre de Samuel, David avait été au service de Saül et s’était montré d’une fidélité irréprochable contre un roi qui a développé une haine pathologique contre son serviteur au point de vouloir le tuer. À deux reprises David a eu la possibilité de se débarrasser de Saül et à chaque fois il n’a pas voulu porter la main sur le roi. Cette attitude non-violente lui a valu le respect des anciens d’Israël qui lui reconnaissent la justesse de son attitude : Lorsque Saül était notre roi, c’était toujours toi qui menais Israël en campagne et qui l’en ramenais. Le Seigneur t’a dit : « C’est toi qui feras paître Israël, mon peuple, c’est toi qui seras chef sur Israël. »

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Le bon larron 

Lorsque Jésus est en croix, un panneau indique la raison de sa condamnation : Cet homme est le roi des Juifs.  L’inscription est paradoxale parce que Jésus est effectivement roi, mais pas à la manière dont le pense ceux qui ont écrit le panneau.

Il n’est pas roi à la manière de David lorsqu’il a régné comme les autres rois de la région, il est roi à la manière de David lorsqu’il a fait preuve de non-violence avec Saül. 

Ceux qui ont écrit le panneau pensaient s’être débarrassés de la royauté de Jésus, ils l’ont accomplie. Celui qui a compris ce renversement est le bandit crucifié à ses côtés qui a dit : Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume. Ce qui lui vaut la réponse : Amen, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis