L’évangile du dimanche du 30 novembre (Matthieu 24, 37-44)
La venue du Christ, aujourd’hui
Introduction
Nous sommes le premier dimanche de l’avent, et l’année liturgique commence par un texte qui parle de veille et de l’importance de se tenir prêt.
Avant d’entrer dans le détail du texte, encore une question sur le lectionnaire. Le verset 37 commence par la particule en effet, il est donc une explication du verset précédent. Pourquoi ne pas l’avoir retenu alors que ce qu’il dit est essentiel : pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne les connaît.
Pourquoi le texte ne commence-t-il pas au verset 36 ?
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
L’avent et la veille
Tous les ans, le temps de l’avent propose à notre méditation des textes qui nous invitent à la veille et à la vigilance. Cela nous donne le sens de ce temps liturgique. Commencer l’année par l’avent, c’est nous réveiller de notre torpeur, pour que nous ne cessions d’attendre la venue du Christ dans notre monde et dans nos journées. Aujourd’hui, je peux être amené à rencontrer le Christ : suis-je prêt ?
L’avent et la spiritualité
Pourquoi sommes-nous appelés à la prière ? Pour changer le monde ? L’efficacité de la prière ne nous appartient pas. Sûrement pour nous changer nous-mêmes, pour lutter contre la peur et l’habitude. Etty Hillesum a écrit, alors qu’elle était menacée par les nazis : « Les menaces extérieures s’aggravent sans cesse et la terreur s’accroît de jour en jour. J’élève la prière autour de moi comme un mur protecteur plein d’ombre propice, je me retire dans la prière comme dans la cellule d’un couvent et j’en ressors plus concentrée, plus forte, plus ramassée. »
Pistes d’actualisation
1er thème : Le signe de Noé
Le texte qui précède notre passage est la parabole du figuier qui nous invite à prêter attention aux signes des temps : ses jeunes pousses annoncent l’arrivée de l’été. Ce texte nous dit qu’au temps de Noé les hommes n’ont pas vu la catastrophe venir.
Cette tension est l’illustration de ce qu’on appelle l’effet ketchup. On tape sur le cul de la bouteille et rien de sort, et tout à coup toute la bouteille s’écoule. On sait que ça arrivera, mais on ne peut pas dire quand.
Ce principe s’applique particulièrement aux effets du réchauffement climatique.
2e thème : L’un sera pris, l’autre pas
De deux hommes, de deux femmes, l’un sera pris et l’autre pas, car l’un sera prêt et l’autre pas. Le sens de cette comparaison n’est pas de nous faire peur, mais de nous exhorter à la vigilance. Dans la tradition monastique, nous trouvons ce qu’on a appelé la meditatio mortis qui consiste à se projeter sur son lit de mort pour mettre de l’urgence dans notre quotidien. Si je savais que je devais mourir ce soir, que ferai-je ? Ce que je ferais, je dois le faire maintenant. Il est urgent de se convertir, il est urgent d’aimer, il est urgent de se convertir, il est urgent de mettre de l’essentiel dans nos journées.
3e thème : Le fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas
Le premier verset dit que personne ne connaît le jour ni l’heure et le dernier répète cette affirmation en disant que le fils de l’homme viendra à l’heure qu’on ne pense pas.
Dans les Actes des Apôtres, lorsque les disciples demandent à Jésus quand il établira son royaume, Jésus leur répond qu’ils seront témoins en Judée, en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Une façon de dire : la bonne question n’est pas quand viendra le royaume, mais comment être témoin aujourd’hui.
La venue du fils de l’homme n’est pas une date de l’histoire mais un événement quotidien. Cette déshistoricisation de la venue du Christ nous invite à l’accueillir dans notre temps. Il est inutile de se demander quel jour le Christ viendra, il est plus utile de se poser la question de savoir si on est prêt à l’accueillir aujourd’hui.
Une illustration : La vertu de l’attente
À propos de l’attente de Dieu, un commentaire rabbinique s’interroge sur le verset dans lequel Dieu maudit le serpent de la Genèse pour avoir induit le premier couple humain en tentation. Il lui dit : Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie (Gn 3.14). Le serpent est condamné à manger de la poussière ; or la poussière est inépuisable sur la surface de la terre. Le commentaire se demande quelle est la nature de la malédiction : en quoi est-ce une punition d’être condamné à manger ce qui est inépuisable ? Il répond que la condamnation du serpent réside dans le fait qu’il n’aura plus jamais faim, plus jamais soif. Jamais il n’attendra, jamais il ne sera en quête, jamais il ne connaîtra le sens du mot espérer.
La deuxième épître aux Romains du dimanche 30 novembre (Romains 13.11-14)
Le jour s’est approché
Le contexte – L’épître aux Romains
L’épître aux Romains s’adresse à une Église qui n’a pas été fondée par Paul et qu’il n’a pas encore visitée, même si les salutations finales montrent qu’il connaît plusieurs des membres qui la composent. Cela lui donne l’occasion de faire un exposé de sa compréhension de la foi.
À partir du chapitre 12, il en vient aux conséquences pratiques du salut gratuit que l’on trouve en Jésus-Christ. Après avoir dressé au chapitre 12 les grands principes de la vie chrétienne (Ne vous conformez pas à ce monde-ci, mais soyez transfigurés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, agréé et parfait), et avoir appelé au respect des autorités, il insiste sur l’urgence de vivre selon l’Évangile.
Que dit le texte ? – La nuit est avancée, le jour s’est approché
Vous savez en quel temps nous sommes. Le mot utilisé pour dire temps, kaïros, évoque le temps qualitatif, le temps où il se passe quelque chose. Paul annonce à ses interlocuteurs qu’ils sont dans le temps de l’Évangile, et que ce n’est pas le moment de s’endormir, mais de se réveiller du sommeil. Le verbe réveiller est un de ceux utilisés pour évoquer la résurrection. Paul dit à ses interlocuteurs : Il est temps pour vous de ressusciter, c’est une urgence.
La nuit est avancée, le jour s’est approché… revêtons les armes de la lumière. Un aphorisme déclare qu’on ne combat l’obscurité en lui tapant dessus à coups de bâton, mais en allumant une bougie. Plus les temps sont difficiles, ténébreux, menaçants, plus il est urgent de vivre selon les principes de l’Évangile.
Revêtez le Seigneur Jésus-Christ. La foi est comme un vêtement, elle nous donne notre identité. Elle n’est pas qu’une idée ou une opinion, mais un manteau. L’épître aux Galates dit : Vous tous qui avez reçu le baptême du Christ, vous avez revêtu le Christ (Ga 3.27). Quand on est revêtu du Christ, nos désirs humains deviennent secondaires. Chaque fois qu’ils ont tendance à reprendre le dessus, nous devons revêtir à nouveau le manteau du Christ.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Veillez, soyez prêt
Jésus utilise une autre image pour évoquer l’urgence de la foi, c’est celle du voleur qui ne prévient pas quand il passe, c’est pourquoi il faut toujours veiller pour être prêt.
Jésus dit qu’il faut être prêt, car personne ne connaît le jour et l’heure, Paul dit qu’il faut être prêt parce que c’est maintenant le jour et l’heure. Qu’on sache ou qu’on ne sache pas… il faut être prêt.
Le livre d’Esaïe du dimanche 30 novembre (Esaïe 2.1-5)
Jérusalem, ville de la paix
Le contexte – Le livre d’Ésaïe
Le livre d’Ésaïe commence vraiment au chapitre 6 avec la vocation du prophète. Les cinq premiers chapitres sont une sorte de prélude qui évoque la façon dont le pays tout entier a chuté dans l’infidélité et l’idolâtrie : Toute la tête est malade, tout le cœur est souffrant. Depuis les pieds jusqu’à la tête, rien n’est en bon état (Es 1.5-6).
Ces chapitres dressent un tableau très sombre de la situation en Israël : Les cérémonies dans le temple sont hypocrites (1.10-20), Jérusalem s’est prostituée et les chefs sont rebelles (1.21-31), toute l’élite du pays est corrompue (3.1-12… Ces dérives attirent le jugement de Dieu (2.6-22) et la promesse d’une restauration décrite dans le passage de cette semaine.
On peut considérer ces chapitres comme une introduction à l’ensemble de l’ouvrage
Que dit le texte ? – La paix véritable
La montagne de la maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes… et toutes les nations y afflueront. Dans la Bible, la montagne est un des lieux où l’on rencontre Dieu. Ce verset évoque l’espérance messianique d’un temps où tous les peuples reconnaîtront l’autorité de Dieu ce qui correspond à un salut qui concerne la création tout entière.
Alors de leurs épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre, et on n’apprendra plus la guerre. L’expression d’une épée qui se transforme en soc de charrue a pris une valeur proverbiale pour évoquer une paix universelle. Devant l’immeuble des Nations unies à New York, une statue représente un homme en train de forger une épée pour la transformer en soc.
Placée au commencement de l’année liturgique, cette promesse d’une paix universelle reste l’horizon de tous les croyants.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Veillez, soyez prêt
Face à la promesse d’un temps messianique marquée par une paix universelle, nous ne devons pas rester passifs, elle nous engage. C’est pourquoi l’évangile de cette semaine nous invite à nous tenir prêts.
Le risque qui menace toute vie de foi est de s’habituer à l’Évangile, de perdre le sens de l’émerveillement, de réduire la vie chrétienne à une vie bien rangée. La perspective messianique est comme une pique qui vient nous réveiller en nous invitant à mettre de l’ultime dans notre vie quotidienne.
Un sage interroge ses disciples : Que feriez-vous si vous aviez la certitude que ce soir vous allez mourir ? » Le premier répond : « J’irais embrasser les miens. » Le second : « Je planterais un arbre. » Le troisième : « J’irais me réconcilier avec mes ennemis. » Le quatrième : « J’achèterais un énorme bouquet de fleurs. » Le cinquième : « Je passerais l’après-midi en prière. »
Le sage conclut en disant : « Ce que vous feriez alors, faites-le tout de suite. »
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis
