L’évangile du dimanche 7 janvier

Matthieu 2.1-12 – Visite des mages

Introduction

L’évangile de Matthieu a ceci de particulier qu’il dit que Jésus est né, mais il ne dit rien des conditions de sa naissance. En revanche il raconte la visite des mages qui apportent une dimension universelle à l’événement.

Dimanche dernier, nous avons lu dans l’évangile de Luc la rencontre avec le sage Syméon qui a dit de Jésus qu’il représentait le salut pour tous les peuples et la lumière pour la révélation aux nations (2.31-32). Ce même message est proclamé ici par le récit de la visite des mages.

Avant d’entrer dans le texte, il convient de déconstruire l’image d’Épinal de trois rois qui suivent une étoile pour aller à la crèche. Le texte ne dit pas qu’ils sont trois, il ne dit pas qu’ils sont rois, et l’étoile ne leur a pas montré le chemin depuis l’orient, mais que de Jérusalem à Bethléem.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Le massacre des enfants de Bethléem

Parmi les nombreuses anomalies du lectionnaire, le fait qu’il ne propose jamais à notre méditation le récit du massacre des enfants de Bethléem qui est pourtant intimement lié à notre texte.

Il souligne pourtant le tragique de l’histoire qui se révèle dès le récit de Noël. La liberté des mages par rapport au tyran a été payée au prix du sang des enfants.

La naissance Jésus qui a apporté un message d’amour est liée à l’acte le plus cruel qui soit : la mise à mort d’enfants.

La citation du Premier Testament 

Pour savoir où devait naître le messie, les scribes convoqués par Hérode associent deux textes du Premier Testament. Le premier issu du livre du prophète Michée, joue sur l’opposition entre la petitesse de la ville de Bethléem et sa grandeur car c’est la ville de David (Mi 5.1) et le second, issu du deuxième livre de Samuel, dit que David est appelé à faire paître son peuple.

L’association de deux versets très différents pour faire apparaître un sens nouveau est déroutante pour nous, mais ce procédé est classique dans la pensée rabbinique pour qui la fécondité d’une interprétation est plus importante que la rigueur exégétique.

Pistes d’actualisation

1er thème : De l’astrologie à la parole­­­ 

Les mages ont vu l’étoile du roi des Juifs en Orient. Une idée courante dans l’antiquité voulait que la naissance de grands personnages soit signalée par l’apparition de nouvelles étoiles. L’étoile a conduit les mages à Jérusalem, car ce n’est que dans une capitale que pouvait naître un roi, mais c’est la parole qui les a conduits à Bethléem. La foi dans les astres est universelle, mais c’est la parole qui conduit au Christ.

Un adage du Talmud dit qu’il n’y a pas d’astre pour Israël, il voulait dire le propre d’Israël est de passer de la foi dans le destin à la suivance de la Parole.

2e thème : L’or, l’encens et la myrrhe

Ils lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe, les Pères de l’Église ont vu dans ces offrandes les symboles de la royauté (l’or), de la divinité (l’encens) et de la sépulture (la myrrhe). L’or et l’encens font référence au livre d’Ésaïe qui décrit les temps messianiques par l’arrivée de tous les peuples de la terre à Jérusalem : Tu seras couverte d’une foule de chameaux, de dromadaires de Madiân et d’Épha ; ils viendront tous de Saba ; ils porteront de l’or et de l’encens (Es 60.6). Mais la myrrhe ? Dans l’évangile de Jean, elle a été utilisée pour embaumer Jésus. (Jn 19.39)

De même que Syméon a prophétisé devant Marie qu’une épée la transpercera (Lc 2.35), l’offrande de la myrrhe préfigure la croix. Le message de Noël est indissociable de celui du Vendredi saint pour annoncer la venue du fils de Dieu dans un monde traversé par la violence et le tragique.

3e thème : Devoir de désobéissance 

Exercés à décrypter les signes du ciel, les mages n’ont eu aucun mal à entendre la fourberie d’Hérode, c’est pourquoi ils désobéissent et ne retournent pas chez le roi comme il le leur avait demandé.

Dans les premières Déclarations des droits de l’homme (américaine en 1776 et française en 1789), figure à côté des droits à la sûreté, à la liberté, à l’égalité et à la propriété, le devoir de résistance à l’oppression : « l’insurrection est le plus sacré des devoirs. » Il existe des lois injustes qui vont à l’encontre de la morale universelle, et des ordres iniques qui ordonnent ce qui est contraire à notre conscience. Dans ces cas la désobéissance n’est pas qu’un droit, elle devient un devoir.

Il est du devoir des parents, des éducateurs et de l’Église d’enseigner l’obéissance aux enfants pour que la vie en commun soit possible, mais aussi la désobéissance lorsque les ordres sont contraires à la conscience et à la morale universelle. La désobéissance a souvent un prix, mais il n’y a que les esclaves qui disent toujours oui.

Une illustration : Ne pas oublier le massacre des enfants

Nous avons relevé que le lectionnaire de propose jamais le récit du massacre des enfants de Bethléem à notre méditation. Il est pourtant une conséquence de la visite des mages.

À propos de ce récit, je voudrais faire partager la lecture qu’en fait Jacques Ellul : « Ce qui à mes yeux scelle irrévocablement l’unité de Jésus et de son peuple, c’est le Massacre des Innocents. La vie de Jésus est d’abord rachetée par le massacre des enfants juifs. Et, que cela nous plaise ou non, c’est ce sacrifice qui va permettre le ministère de Jésus. La décision d’Hérode n’est pas un accident. Ce n’est pas seulement le caprice d’un vieux roi fou. Il y a là un sens spirituel essentiel. Jésus ne peut plus se séparer ni être séparer du peuple juif parce que les enfants de la tribu de Benjamin sont morts non seulement à cause de lui, mais pour lui puisqu’à sa place. »


L’épître du dimanche 7 janvier

07.01.2024 : Ep 3.2-6 – Le mystère du Christ 

Le contexte – La réconciliation dans l’épître aux Éphésiens

L’authenticité paulinienne de la lettre aux Éphésiens est discutée. Si l’apôtre n’est pas l’auteur de la lettre, les thèmes développés sont bien pauliniens puisqu’il développe dans le chapitre 2 la justification par grâce qui fait de la foi un don de Dieu (Ep 2.1-10) et l’appel à la réconciliation entre les Juifs et les Grecs (Ep 2.11-22).

Dans notre passage, l’auteur poursuit cette veine en affirmant que cette réconciliation appartient au mystère de Dieu, c’est-à-dire à son plan de salut pour toute la création.

Que dit le texte ? – Le mystère de la réconciliation

À des interlocuteurs juifs qui ont du mal à intégrer la présence de non-Juifs dans l’Église, Paul dit que cela ne vient pas lui mais que ça lui a été révélé sous la forme d’un mystère.

Le théologien Fritz Lienhard disait que la différence entre un mystère et une énigme c’est que lorsqu’on a résolu une énigme, elle cesse d’être énigmatique. En revanche, un mystère, plus on l’approfondit, plus c’est un mystère. La grâce ou l’amour de Dieu, c’est un mystère. Le projet de salut de Dieu pour toute l’humanité est aussi un mystère.

Cela peut nous choquer tant nous pensons que la grâce de Dieu est réservée aux bons croyants, à ceux qui ont une vie irréprochable, aux fidèles qui ont la connaissance. Nous devons entendre le don d’un Dieu dont l’amour dépasse notre compréhension et la réconciliation les limites que nous voulons lui assigner. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Les mages et l’ouverture à l’universel

Dans l’évangile, la réconciliation entre Juifs et non-Juifs s’est passée autour du berceau de l’enfant de Bethléem. En venant déposer leurs présents aux pieds d’un nouveau-né, les mages ont été les témoins d’un Dieu dont la révélation dépasse notre imagination.

Sous forme narrative le récit des mages nous parle de ces étrangers qui ont aussi une connaissance de Dieu. Ils ont été les premiers à reconnaître le roi des Juifs dans l’enfant à l’heure où les autorités cherchaient à le supprimer.

Non seulement ont été au bénéfice d’une grâce, mais ils se sont comportés en justes et ont fait preuve de liberté et d’intelligence en désobéissant à Hérode car ils avaient bien compris que sa demande était mortifère.



Le Premier Testament du dimanche 7 janvier

07.01.2024 : Es 60.1-6 : Toutes les nations arrivent à Jérusalem 

Le contexte – Dans les difficultés du retour d’exil

Nous sommes dans la troisième partie du livre d’Ésaïe qui est contemporain de la réinstallation des fils de Jacob à Jérusalem après le retour d’exil. 

Le prophète avait annoncé un retour d’exil glorieux, mais la réalité est plus laborieuse. Les livres d’Esdras et de Néhémie soulignent les difficultés de cette installation car la ville était occupée par des étrangers. 

C’est dans ce contexte que le prophète annonce la reconnaissance de la place unique de Jérusalem pour toutes les nations.

Que dit le texte ? – La vision des étrangers qui célèbrent Jérusalem 

Le prophète reconnaît que le monde est dans les ténèbres, mais il annonce à Jérusalem qu’elle possède une lumière particulière qui est la gloire du Seigneur.

Au lieu de se laisser aller au découragement, il appelle Jérusalem à se lever, ce qui est le verbe de la résurrection. Avec les yeux de la foi, la ville peut voir toutes les nations qui arrivent dans la ville pour apporter leurs présents.

La présence des étrangers qui célèbrent Jérusalem est une vision messianique qui est un puissant encouragement pour ceux qui sont dans les difficultés.

Les yeux de la foi permettent de voir la victoire de Dieu même au milieu des ténèbres qui recouvrent la terre. 

La veille d’être exécuté par les nazis, le 9 avril 1945, dans le camp de concentration de Flossenburg, Bonhoeffer a fait parvenir à un de ses amis anglais, Georges Bell, évêque anglican de Chichester, le message suivant : « la victoire est certaine. »  

La foi est une invitation à croire en la victoire de la résurrection même au milieu des ténèbres les plus épaisses.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Les mages, des étrangers capables d’adoration

Dans les évangiles, les hommes qui sont allés saluer la naissance de Jésus sont les bergers et les mages. Les premiers étaient méprisés et les seconds des étrangers probablement idolâtres.

Ils étaient loin de la foi, pourtant ils se sont inclinés devant le nouveau-né à l’heure où les religieux qui avaient les Écritures à leur disposition ont été complices d’un massacre.

Dans l’Évangile, ceux qui sont sur le seuil qui sont souvent plus proches de la vérité que ceux qui sont au centre.

Nous devons rester à l’écoute de ce que ceux qui sont éloignés de la foi nous disent, ils peuvent être pour nous des porteurs de bonne nouvelle et des témoins d’une vérité qui nous échappe.