L’évangile de Luc du 6 avril (Jean 8. 1-11)
Dans l’Évangile de Jean, un épisode majeur se déroule lorsque Jésus est confronté à une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Les scribes et pharisiens l’amènent devant lui, espérant le piéger. La loi de Moïse ordonne la lapidation de telles femmes, et ils demandent à Jésus de se prononcer. Plutôt que de répondre directement, Jésus s’incline et écrit dans la poussière, une geste interprétée comme un signe de réflexion profonde. Lorsqu’ils insistent pour qu’il réponde, Jésus leur dit : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre. » Cette parole retourne la situation et les accusera tous de péché. Un à un, les accusateurs se retirent, les plus âgés partant les premiers, peut-être en raison de leur plus grande expérience ou de leurs péchés accumulés.
Restée seule avec Jésus, la femme se voit restaurée dans son humanité. Jésus, se redressant, lui demande où sont ses accusateurs, et elle répond qu’il n’y en a plus. Il lui dit alors : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus. » Cette déclaration marque une rupture avec la logique punitivement religieuse, en offrant à la femme non seulement le pardon mais aussi une opportunité de rédemption.
Cet acte de miséricorde et de justice restaurative révèle plusieurs dimensions essentielles du message chrétien. Jésus, en ne condamnant pas la femme, refuse de s’aligner sur la justice punitive des autorités religieuses de son époque. Il montre que la rédemption et la restauration de l’humanité d’une personne sont plus importantes que la punition de son péché. Ce passage souligne également la question du pouvoir des hommes sur le corps des femmes, et comment Jésus, par son attitude, abaisse les structures de domination masculine pour réhabiliter la dignité de la femme.
À travers ce récit, la question du péché ne se concentre pas uniquement sur la faute de la femme, mais sur l’examen de conscience que Jésus impose à ses accusateurs. Ainsi, ce texte, à la fois profond et symbolique, aborde des thèmes de pardon, de justice et de réhabilitation. Jésus, en refusant de juger et en offrant la possibilité de recommencer, incarne une vision radicale de la justice, qui va au-delà de la simple rétribution.
Le texte de la lettre aux Philippines du 6 avril (Philippiens 3.8-14)
Courir vers le but
Le contexte – L’épître aux Philippiens
Lorsque Paul écrit aux Philippiens, il est en prison. Son épître pourrait être tragique, elle est traversée par l’espérance et la joie. Il invite ses interlocuteurs à tout considérer à partir de la victoire acquise en Christ. Les divisions, les combats sont relatifs à la lumière du Christ.
Dans les versets qui précèdent le passage de ce dimanche, Paul parle de son passé dans le judaïsme : Circoncis le huitième jour, de la lignée d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né d’Hébreux ; quant à la loi, pharisien ; quant à la passion, persécuteur de l’Église ; quant à la justice de la loi, irréprochable (Ph 3.5-6). Il pourrait être fier de ses origines, mais il a renoncé à tous ses privilèges religieux pour suivre le Christ.
Que dit le texte ? – Courir vers le but
Non seulement Paul a renoncé à son statut au sein du judaïsme, mais il écrit qu’il considère tout ce qu’il vivait comme des ordures. Le mot est fort, il évoque le fumier et les excréments. Paul fait de la théologie à coups de marteau pour casser la carapace de certitudes suscitée par la loi.
Si Paul a renoncé à sa place dans le judaïsme, c’est au nom d’une justice supérieure qui ne vient pas de ses bonnes œuvres religieuses, mais du Christ. Comme elle est donnée, elle est certaine.
À partir de cette réalité nouvelle, la vie religieuse ne se lit plus à partir des bonnes œuvres, mais à partir de la communion dans les souffrances et la résurrection du Christ. C’est cette communion qui lui permet de parler joie et de victoire alors qu’il est en prison.
Les derniers versets parlent d’une marche. Si en Christ tout est donné, nous sommes appelés à progresser dans la logique de la grâce pour que la communion avec le Christ habite la totalité de notre personne.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La femme adultère
La rencontre de Jésus avec la femme adultère est un des récits de l’évangile qui exprime la grâce avec le plus de force. Contre les religieux qui au nom de la loi voulaient mettre à mort la pécheresse, Jésus oppose la logique du pardon et du changement de vie.
De par notre nature, nous sommes poussés au jugement, mais vivre en Christ nous invite à changer de logiciel et à passer de la logique du jugement à celle du pardon.
Si nous sommes pardonnés en Christ, nous sommes invités à vivre de ce pardon, à le mettre en pratique en nous et autour de nous. C’est un chemin sur lequel nous sommes toujours invités à progresser.
Le texte de Esaïe du 6 avril (Esaïe 43.16-21)
Le Seigneur recommence une nouvelle histoire
Le contexte – Le livre d’Ésaïe
La fin de la première partie du livre d’Ésaïe annonçait l’exil. La deuxième partie fait un saut de 150 ans dans l’histoire et annonce la fin de l’exil : le temps d’épreuve est écoulé et le Seigneur se prépare à se révéler à son peuple d’une manière nouvelle et glorieuse.
Le retour d’exil est relu comme une nouvelle création puisque les vallées sont élevées, les collines sont abaissées et que les arbres battront des mains lorsque le peuple rentrera vers sa terre. Dans le texte de ce dimanche, les animaux sauvages, les chacals comme les autruches, glorifient le Seigneur qui libère son peuple.
Le retour d’exil est accompagné de la promesse que Juda dominera sur les nations car Dieu prendra soin de son peuple comme un berger prend soin de son troupeau.
Que dit le texte ? – Un temps nouveau
Le passage que nous lisons relit le retour d’exil comme un recommencement de l’Exode : le Seigneur conduit son peuple dans la mer et détruit les chars, les chevaux et les vaillants guerriers des ennemis.
SI l’exode était l’acte fondateur de la constitution des enfants d’Israël en une nation, le retour d’exil est un nouveau commencement : Je fais du nouveau, dit le Seigneur qui propose à ses enfants de commencer une nouvelle histoire.
Le dernier verset dit que le peuple que Dieu s’est façonné dira sa louange. La louange est la marque de la libération. Nous retrouvons le récit de la vocation de Moïse au début du livre de l’Exode lorsque le Seigneur déclare : Je serai avec toi ; et voici quel sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie : quand tu auras fait sortir d’Égypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne (Ex 3.12).
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La femme adultère
Le retour d’exil est conçu comme un temps nouveau, une nouvelle étape dans la relation de Dieu avec son peuple.
On peut considérer le récit de la rencontre de Jésus avec la femme adultère comme une nouvelle compréhension de Dieu. À l’époque de l’évangile, Dieu était considéré comme celui qui juge selon la prédication du baptiseur : Il a sa fourche à la main, il va nettoyer son aire ; il recueillera le blé dans sa grange, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint pas (Lc 3.17).
Avec le récit de la femme adultère, Dieu devient celui qui pardonne : Moi je ne juge personne (Jn 8.15), dit Jésus. Désormais, avec Jésus, Dieu est définitivement monté sur le trône de la miséricorde.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Christine Pedotti