Oui, la Réforme renforce l’idée d’une dimension divine de la nature
Otto Schäfer, chargé des questions théologiques et éthiques, Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS)
La nature est notre corps par extension. Nous respirons, buvons et mangeons, nous nous exposons à la lumière, à l’air et à l’eau. En renouvelant nos cellules et en communiquant par nos sens, nos paroles et nos gestes, nous sommes immergés dans la nature. La nature ne nous est pas extérieure, elle n’est pas «environnement» au sens strict du mot: elle nous constitue et nous traverse de part en part. Nous vivons dans la nature comme nous vivons dans notre corps. L’apôtre Paul appelle notre corps «le temple du Saint-Esprit qui habite en vous» (1 Corinthiens 6,19). Le corps est donc divin. Et la nature est divine. Nous l’oublions la plupart du temps.
La conscience de vivre dans le temple du Saint-Esprit doit nous empêcher de faire n’importe quoi de notre corps et de la nature. Vivre consciemment dans la nature, de manière attentionnée, c’est ressentir une présence palpable, celle de Dieu dans sa maison. Dieu remplit son temple sans y être enfermé. En invoquant la présence de l’Esprit divin dans nos cultes réformés nous nous référons à Celui qui, d’après Jean Calvin, crée, vivifie et anime l’univers. Cette conviction explique le grand intérêt spirituel de la tradition réformée, dès le XVIe siècle, pour les jardins et le monde naturel. Le dépouillement des temples réformés a pour complément indispensable les paysages des alentours. Dieu y habite, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Non, mais la nature reflète la gloire de Dieu
Gilles Bourquin, rédacteur en chef de Réformés – Le journal
Selon la tradition judéo-chrétienne, Dieu est un être doué de personnalité qui surplombe l’univers et le monde biologique. La nature visible constitue le monde créé. Elle n’est pas divine, mais reflète la gloire de Dieu. Ses imperfections causent des souffrances à tous les êtres vivants (intempéries, maladies, parasites, mort, etc.). Les Réformateurs du XVIe siècle ont conservé cette foi en la transcendance de Dieu, alors que notre société tend à diviniser la nature. Aux préoccupations écologiques, nous associons souvent l’idée selon laquelle la communion avec la nature est source de paix et d’harmonie. La biologie moderne, de son côté, reconnaît qu’une sélection impitoyable s’opère dans la nature. Seuls ont une chance de survie les êtres les mieux adaptés.