02.10.2022 : Luc 17.5-10 – Serviteur inutile

Introduction

Le verset qui précède l’évangile de ce dimanche est un appel au pardon, un pardon inconditionnel puisque Jésus déclare que si ton frère… pèche contre toi sept fois par jour, et que sept fois il revienne à toi, en disant : « Je vais changer radicalement », tu lui pardonneras. Le chiffre sept fait sortir le pardon de notre comptabilité : Jésus ne dit pas combien de fois il faut pardonner, il dit qu’il faut toujours pardonner. Devant la radicalité de l’enseignement, les disciples posent la seule vraie question que nous devons poser lorsque nous nous présentons devant le Seigneur : Donne-nous plus de foi.

La première demande que nous pouvons exprimer dans notre prière est la demande de la foi.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Le grain de moutarde

À la demande de la foi, Jésus répond par une pirouette : Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce mûrier : « Déracine-toi et plante-toi dans la mer », et il vous obéirait.

Jésus avait déjà utilisé l’image de la graine de moutarde pour évoquer la foi lorsqu’il avait annoncé que le règne de Dieu est semblable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et jetée dans son jardin ; elle pousse, elle devient un arbre, et les oiseaux du ciel habitent dans ses branches (Lc 13.19). Ici, l’arbre n’accueille pas les oiseaux du ciel, mais va se planter dans la mer !!! Même si on ne comprend pas très bien l’intérêt pour un arbre d’aller se planter dans la mer, le disciple peut entendre que sa foi n’a pas encore atteint la taille d’un grain de moutarde, ce qui rend d’autant plus légitime la question du verset précédent.

Situation de la première Église

L’Église qui a reçu l’évangile de Luc était une toute petite communauté, pas plus grande qu’un grain de moutarde face à l’Empire romain. Elle pouvait se demander comment elle pouvait témoigner de la victoire de l’Évangile alors que son influence était ridicule dans le monde qui était le sien.

Jésus répond qu’un petit grain de moutarde peut déraciner les arbres les plus majestueux.

Tous ceux qui pourraient se décourager devant la petitesse de l’Église actuelle peuvent entendre qu’un tout petit grain d’Évangile peut venir à bout des arbres les mieux plantés.

Pistes d’actualisation

1er thème : Parabole du serviteur : Qu’est-ce que la foi ?

Ces versets sont choquants au regard des mœurs sociales de notre temps, mais tout à fait ordinaire pour l’époque. Le rôle d’un serviteur est de servir son maître toute la journée, et pas seulement dans les champs. La première façon d’augmenter notre foi est de vivre l’obéissance à l’Évangile toute la journée. Comme dans la parabole des deux maisons (Lc 6.48-49), la foi n’est pas d’abord une question de croyance ou de sentiment, mais de mise en pratique, et de service.

La foi est un pari, le pari du service, de la grâce, de l’espérance, de la prière, de la confiance… Lorsque nous osons faire ce pari, notre vie apparaît plus grande, plus belle et cela alimente notre foi.

2e thème : Nous n’en avons jamais fini avec la foi

Un des grands thèmes de la parabole est que nous n’en avons jamais fini avec la foi, jamais nous pouvons dire : J’ai fait ce que je devais, je suis quitte avec la foi. Seuls les hypocrites disent cela et au fond d’eux ils savent bien qu’ils se mentent à eux-mêmes.

Cela ne veut pas dire qu’il faut passer sa vie à faire de bonnes œuvres mais que nous devons vivre toute notre vie devant Dieu. C’est comme lorsque l’apôtre Paul exhorte : Priez sans cesse (1 Th 5.17), Paul ne nous demande pas de passer toutes nos journées àgenoux, mais d’avoir en tout temps conscience que nous nous tenons devant Dieu.

3e thème : Le serviteur inutile

Au disciple qui demande à Jésus d’augmenter sa foi, ce dernier répond que le plus dévoué des serviteurs ne sera jamais qu’un serviteur inutile, ou quelconque, ou ordinaire. Avoir une grande fois ne fait pas de nous des héros, mais des serviteurs quelconques. Inversement, nous pouvons entendre que les serviteurs de l’Évangile les plus ordinaires et les plus humbles sont ceux qui ont la plus grande foi.

Jésus ne nous demande pas d’être des héros de la foi, mais des serviteurs de tous les jours. La vraie foi ne se repère pas dans notre capacité à déraciner des arbres pour les envoyer se planter en mer, mais par une humble fidélité quotidienne.

Dans l’hymne de 1 Co 13, l’amour ce n’est pas de distribuer tous ses biens et livrer son corps par fierté, c’est pardonner tout, croire tout, espérer tout, endurer tout.

Une illustration : Une foi radicale

Pour évoquer la foi qui déplace les montagnes, Zvi Kolitz est un auteur juif qui a écrit un petit récit de fiction qui rapporte les propos de la lettre qu’un des derniers combattants du ghetto de Varsovie écrit à Dieu. Elle se termine de la façon suivante : « Quand j’étais jeune, mon rabbi m’a maintes fois raconté l’histoire d’un Juif qui, avec sa femme et leur enfant, a fui l’inquisition espagnole. Il a pris la mer à bord d’un petit bateau, et réussi malgré la tempête à gagner un îlot rocailleux. Là, un éclair foudroie sa femme. Puis une tornade emporte l’enfant dans les flots. Seul, malheureux comme les pierres, les mains levées vers le ciel, le Juif s’adresse à Dieu : « Dieu d’Israël, j’ai fui jusqu’ici pour pouvoir te servir librement, pour observer tes commandements et sanctifier ton nom. Mai toi, tu fais tout pour m’empêcher de croire en toi. Cependant, si tu penses réussir à me détourner du droit chemin par ces épreuves, je te crie : Tu en seras pour ta peine. Tu as beau m’offenser et me fustiger, je croirai toujours en toi ».

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Christine Pedotti, écrivain, journaliste et directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, pour discuter Luc 17, 5-10 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/la-parabole-de-lintendant-habile-expliquee/

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis