L’évangile du dimanche 1er septembre

Marc 7.1-23 – En redéfinissant les règles de pureté, Jésus change les catégories religieuses

Introduction

Une des questions les plus importantes dans l’interprétation du Nouveau Testament est de savoir comment l’enseignement de Jésus se positionne par rapport à celui des sages de son époque. Notre meilleure connaissance des maîtres rabbinique met en valeur des analogies avec des passages de l’évangile. Selon le professeur Daniel Marguerat, le passage que nous méditions aujourd’hui est un des enseignements les plus originaux de Jésus qui redéfinissent les critères de pureté.

Points d’exégèse :

Attention sur deux points.

Titre : Les pharisiens et quelques scribes

Le chapitre qui précède montre que partout il se rend en Galilée, les gens accourent pour qu’il les guérisse. Sa réputation est allée jusqu’à Jérusalem pour que des pharisiens soient envoyés pour enquêter sur sa personne. Les pharisiens et les scribes représentent le judaïsme du livre à la différence des prêtes qui relèvent du judaïsme du temple. C’est un mouvement laïc attaché à l’interprétation des Écritures et à la mise en pratique de la Torah. Au sein du judaïsme, ils appartiennent au courant le plus proches de Jésus, mais ils vont achopper dans notre récit sur la redéfinition de la pureté.

Titre : Quelques disciples

Les pharisiens voient quelques-uns de ses disciples manger avec des mains non lavées. Parmi les disciples, certains sont plus scrupuleux que d’autres dans l’application des règles de pureté. Dans le groupe des disciples, cela reste une question secondaire. Cela rappelle l’attitude de Paul par rapport aux prescriptions alimentaires : « Celui qui mange, c’est pour le Seigneur qu’il mange car il rend grâces à Dieu ; celui qui ne mange pas, c’est pour le Seigneur qu’il ne mange pas ; il rend aussi grâces à Dieu » (Rm 14.6). L’important n’est pas ce qu’on fait, mais l’état d’esprit dans lequel on le fait.

Pistes d’actualisation

1er thème : Jésus et la loi

Jésus applique aux règles de pureté relatives à la nourriture le principe qu’il a posé par rapport à un autre pilier de la pratique du judaïsme : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat. » Il reproche à ses interlocuteurs la dérive légaliste qui consiste à être attachés à la lettre du commandement quitte à en oublier le sens.

Il définit son différend avec les pharisiens en citant Ésaïe (Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est très éloigné de moi), une façon de montrer que le débat ne se situe pas entre des très croyants et des moins croyants, mais qu’il s’agit d’une opposition entre une pratique purement rituelle et une pratique qui témoigne d’une disposition de cœur. Le reproche qu’il fait aux pharisiens rejoint celui d’Ésaïe aux religieux de son époque.

2e thème : Redéfinition de la pureté

L’univers religieux du judaïsme était organisé autour de la grande distinction entre le pur et l’impur. Des hommes étaient purs et d’autres impurs selon leur métier ou leurs activités, les femmes étaient en situation de pureté ou d’impureté selon leurs périodes. Le but de la religion était de maintenir les fidèles dans le champ de la pureté, ou leur permettre de le réintégrer quand ils l’avaient quitté.

Jésus pervertit cette compréhension en disant que la pureté n’est pas une affaire extérieure, cela ne dépend pas de ce qu’on mange, ce qu’on touche ou des lieux où on se trouve, c’est une question de disposition du cœur. Le but de la religion n’est pas de se purifier les mains, mais de se purifier le cœur.

Pour être sûr qu’on a bien compris jusqu’où va cette nouvelle lecture, Marc ajoute : « Il purifiait tous les aliments. »

3e thème : Les disciples, modèles de l’Église à venir

L’enseignement de Jésus est tellement révolutionnaire pour l’époque que lorsque les disciples se retrouvent seuls avec lui, ils lui demandent de confirmer ses dires. Jésus le confirme en dessinant les traits d’une Église qui est un rassemblement d’hommes et de femmes qui ont en commun de chercher à purifier leur cœur. C’est exactement ce que dit Paul dans le verset qui fonde sa théologie : « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ » (Ga 3.27-28). L’identité du sujet ne se trouve plus dans son statut religieux (Juif ou Grec), professionnel (esclave ou homme libre) ou social (homme ou femme) mais dans la façon dont il a revêtu Christ et dont il a laissé ce dernier purifier son cœur.

Une illustration

Dans l’archipel du Goulag, Alexandre Soljenitsyne se souvient des années où il était officier de l’Armée rouge et des crimes dont il était capable. Ensuite, il a connu la déportation. Fort de cette double expérience, il a écrit : « Peu à peu j’ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les États, ni les classes, ni les partis, mais qu’elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l’humanité. » En chaque humain, se trouve du pur et de l’impur. En chaque frère, même le plus vil, se trouve du pur ; en chaque croyant, même le plus sanctifié, se trouve de l’impur.

Dans la même veine Etty Hillesum, juive hollandaise qui sera assassinée à Auschwitz, écrit dans son journal ce que nous pouvons considérer comme sa conversion éthique : « jusqu’au jour où est venue soudain cette pensée libératrice qui a levé comme un jeune brin d’herbe encore hésitant au milieu d’une jungle de chiendent : n’y aurait-il plus qu’un seul allemand respectable, qu’il serait digne d’être défendu contre toute la horde des barbares, et que son existence vous enlèveraient le droit de déverser votre haine sur son peuple entier. »

Le livre de Jacques du dimanche 1er septembre

Jc 1.17-27 – Mettre la parole en pratique 

Le contexte – l’épître de Jacques

L’épître de Jacques suscite parfois la méfiance chez les théologiens protestants, car elle ne parle pas de la justification par la foi qui est le renversement fondateur de l’Évangile.

Il ne faut pas tant la lire comme un traité théologique que comme une méditation sur les conséquences pratiques de la foi. Il ne faut pas la comparer aux chapitres théologiques des épîtres de Paul, mais aux chapitres sur les conséquences de la grâce dans les relations humaines.

Que dit le texte ? – Naître à la Parole

Jacques utilise une expression originale pour parler de la foi, il parle de naître par une parole de vérité. L’expression est éloquente car elle dit que c’est la parole qui nous permet d’habiter pleinement notre humanité, c’est elle qui nous fait naître et qui nous accomplit.

Un commentaire rabbinique raconte qu’avant de partir dans une marche dans le désert, Abraham était comme un flacon de parfum posé dans un coin et fermé par une cordelette. Il ne sentait rien. Quand Abraham s’est mis en marche, c’est comme si on avait desserré le cordon : le flacon a exhalé son parfum. C’est à ce moment qu’il a pleinement habité son humanité. 

Après être né à la parole, l’auteur de l’épître nous appelle à la mettre en pratique. Pour reprendre l’exemple d’Abraham, quand on écoute la parole sans la mettre en pratique, on l’enferme dans un sac. C’est son application tout au long de la journée qui lui donne son parfum.

Pour mesurer la mise en pratique, le passage que nous avons lu propose deux pistes :

  • Tenir sa langue en bride. C’est à nos paroles qu’on mesure ce qu’on a dans le cœur.
  • Prendre soin des orphelins et des veuves, c’est-à-dire de ceux qui sont dans le besoin.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La vraie pureté

Le passage de l’évangile opère une redéfinition de la pureté lorsqu’il dit que ce n’est pas ce qu’on mange qui nous rend purs, mais ce qui sort de notre cœur.

La vraie pureté, ce n’est pas l’obéissance aveugle à des commandements, c’est d’être né à la Parole, c’est-à-dire d’accomplir pleinement son humanité. C’est en étant pleinement soi-même, en accomplissant sa vocation, en parlant avec douceur et bienveillance et en prenant soin des petits qu’on est pur.

Comme le dit l’épître de Jacques, c’est en demeurant dans la parole qu’on trouve son vrai visage. 

Le livre du Deutéronome du dimanche 1er septembre

Dt 4.1-8 –  Ne pas se tromper d’obéissance

Le contexte – le livre du Deutéronome

La tradition considère le livre du Deutéronome comme le testament de Moïse. Comme toute relecture de l’histoire, il ne rapporte pas tout ce qui s’est passé pendant la période de l’Exode, mais il retient ce qui est le plus important à ses yeux.

Contre notre tendance à négliger les prescriptions qui coûtent, le texte insiste à près de quarante reprises sur la mise en pratique des prescriptions. Pour le Deutéronome, la loi est plus importante que la foi, ou pour dire les choses autrement, il n’y a pas de foi qui ne se manifeste dans des actes conformes à la loi. 

Que dit le texte ? – Mettre en pratique la parole

Parmi toutes les recommandations à mettre en pratique la parole, notre texte insiste sur trois points.

Écoute les prescriptions et les règles que je vous apprends. La foi commence par l’écoute. Écouter, c’est plus qu’entendre. En hébreu, le verbe induit la compréhension et l’obéissance. Dans l’anthropologie du Premier Testament, c’est en vivant qu’on apprend, c’est en mettant en pratique qu’on comprend.

Vous n’ajouterez rien à la parole… et vous n’en retrancherez rien. La tentation est de ne retenir que les lois qui nous conviennent et d’oublier les autres. Nous ne sommes pas juges de la loi, c’est la loi qui nous juge. Aimer son prochain comme soi-même n’est pas une option, c’est un impératif. Le texte ajoute qu’il ne faut rien ajouter à la loi. Cette recommandation prévient la surenchère spirituelle, ceux qui veulent en faire toujours plus. Certaines démarches religieuses peuvent être pathologiques.

Ce sera là votre sagesse et votre intelligence. La foi est une question d’intelligence, c’est-à-dire de compréhension du monde, des gens et des choses. Le philosophe Emmanuel Levinas a défini la sagesse : « Le sage est l’homme capable de répondre d’une manière compréhensible, voire satisfaisante, à toutes les questions qu’on peut lui poser au sujet de ses actes, et répondre de telle façon que l’ensemble de ses réponses forme un discours cohérent. » Être sage, c’est vivre en cohérence avec ce qu’on croît.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – De l’obéissance aveugle à l’obéissance intelligente

À l’appel à respecter la loi du Deutéronome, Jésus répond qu’il ne faut pas se tromper de loi. Il ne s’agit pas d’une obéissance aveugle, mais d’une obéissance intelligente, qui sait faire la différence entre l’essentiel et l’accessoire, car il peut y avoir une obéissance pervertie : Jésus donne l’exemple de ceux qui font une offrande au temple pour se dispenser de secourir ses parents. 

Pour tester notre rapport à la loi, Jésus nous invite à visiter ce qu’il y a dans notre cœur : la vraie impureté, ce n’est pas de ne pas se laver les mains, c’est de ne pas avoir un cœur apaisé et bienveillant. 

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Laurence Belling, Antoine Nouis