L’évangile du dimanche 10 mars

Jean 3. 14-21 – Pour que le monde soit sauvé

Introduction

Nous connaissons le verset qui dit que Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son fils unique afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. Le protestantisme en a fait la clef de voute de sa théologie. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il s’inscrit dans le dialogue entre Jésus et Nicodème à propos de la nouvelle naissance. Naître de nouveau – ou naître d’en haut – c’est entendre que Dieu est amour et laisser cette annonce reconstruire toute notre compréhension de Dieu.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Serpent au désert

Comme Moïse a élevé le serpent au désert. Jésus fait référence à un passage du livre des Nombres. Parce que le peuple s’est plaint contre Dieu et contre Moïse, beaucoup ont été mordus par des serpents et sont morts. Le peuple se repent et Dieu demande à Moïse de faire un serpent d’airain et de le fixer en haut d’une perche. Quand un Israélite était mordu par un serpent, s’il levait les yeux et regardait le serpent d’airain, il était sauvé.

Le serpent est donc une figure ambivalente, il est porteur de mort et de vie. Ce qui est intéressant, c’est que c’est le même serpent, pour dire que notre compréhension de Dieu peut être porteuse de mort ou de vie selon le regard qu’on porte pour lui. Pour reprendre le vocabulaire de cette séquence, il peut être vu comme un Dieu de jugement ou de vie éternelle.

Vie éternelle

Dans le quatrième évangile, la vie éternelle n’est pas la vie perpétuelle comme on le croit souvent, c’est une vie inscrite dans l’éternité de Dieu. Le meilleur verset qui la qualifie est celui qui dit : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ[1]. »

Quand Jésus parle de vie éternelle, il ne parle pas d’une vie après la mort, mais d’une vie qui traversée, éclairée, habitée par le Dieu de toute éternité. Nous comprenons qu’elle dépasse le cadre de notre vie terrestre, mais c’est aujourd’hui que nous devons la vivre.

Pistes d’actualisation

Dieu a tant aimé le monde

Jésus ne dit pas que Dieu a aimé ceux qui croient en lui, mais qu’il a aimé le monde. Or dans le quatrième évangile, le monde n’est pas le monde gentil, mais le monde qui n’a pas accueilli la lumière dans le prologue[2]  et même qui déteste Jésus[3], autrement dit, le monde hostile. Si Dieu aime le monde, ce n’est pas que le monde est aimable, mais parce que Dieu est amour. Le monde n’aime pas Dieu, mais Dieu aime le monde.

Nous comprenons que ce verset soit le cœur de l’évangile. L’amour que Dieu nous porte ne dépend pas de notre foi ni de nos bonnes œuvres, il est inconditionnel.

L’amour comme un don

L’amour de Dieu n’est pas une promesse, mais un acte qui a été posé : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son fils unique. Il y a une chose que même Dieu ne peut pas faire, c’est revenir sur le passé. Il ne peut plus décider de ne pas donner son fils : c’est un fait, il a habité parmi nous.

Nous retrouvons ce thème dans l’épître aux Romains dans le verset qui dit : « Voici comment Dieu, lui, met en évidence son amour pour nous : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs[4]. » L’amour dans le Nouveau Testament n’est pas une question de sentiment, ce n’est pas un élan de sympathie, mais un acte, un don. Aimer, c’est donner de sa vie pour permettre à son prochain de grandir dans toutes les dimensions de son existence.

La libération du jugement

L’amour de Dieu libère du jugement. Nous trouvons cette idée dans le verset qui dit que Dieu n’a pas envoyé son fils pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé et que celui qui met sa foi en lui n’est pas jugé car il est dans la lumière, alors que celui qui ne croit pas est jugé car il est dans les ténèbres.

En dehors de la foi, notre compréhension de Dieu est celle d’un juge qui tient une comptabilité de nos bonnes et nos mauvaises actions. Quand on comprend que Dieu est amour, nous sommes libérés de cette vision : Dieu ne nous juge pas, il nous a tout donné dans son fils. Nous sommes alors invités à entrer dans cette économie de la grâce.

Une illustration : Fils unique

Dieu a donné son fils unique. Comment comprendre cet adjectif alors que nous sommes tous enfants de Dieu ? Quand Dieu a donné son fils unique, il n’en a plus, il n’a plus que les humains pour dire son amour au monde.

Un apologue raconte que lorsque le Christ ressuscité est monté au ciel, il a jeté un coup d’œil à la terre pour voir une dernière fois ses apôtres. La terre était plongée dans l’obscurité, sauf quelques petites lumières sur la ville de Jérusalem.

Un ange lui a demandé ce qu’étaient ces lumières et il a répondu que c’était ses apôtres à qui il a envoyé l’Esprit pour embraser le monde.

L’ange lui a demandé ce qu’il ferait si son plan échouait. Après un temps de silence, Jésus a répondu : Je n’ai pas de plan B.

[1] Jn 17.3.

[2] Jn 1.10.

[3] Jn 7.7.

[4] Rm 5.8.

L’épître du dimanche 10 mars

Ep 2.4-10 – Salut par grâce 

Le contexte – L’épître aux Éphésiens

L’épître aux Éphésiens inscrit la foi de ses interlocuteurs dans le plan de salut de Dieu qui va d’avant la fondation du monde jusqu’à la récapitulation de toutes choses en Christ (1.3-14), ce qui nous permet d’apercevoir ce que pourrait être la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur… de l’amour du Christ qui surpasse la connaissance (3.18-19).

Quand les affirmations naviguent dans ces hauteurs, on entend que le salut n’est pas une affaire qui dépend de notre comportement, mais qu’il nous dépasse dans toutes les dimensions du temps et de l’espace. Ce qui permet à l’auteur de l’épître d’annoncer la grande affirmation de la foi chrétienne : C’est par la grâce, en effet, que vous êtes sauvés au moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu (2.8).

Que dit le texte ? – Le salut par grâce

Le salut par grâce est la grande affirmation que Paul déplie dans les différentes épîtres qui portent sa signature. Cette annonce nous assure de la bienveillance de Dieu et que la question de notre salut étant réglée, nous pouvons nous en dépréoccuper. 

Dans le passage que nous avons lu, cette annonce de la gratuité du salut a trois conséquences.
Dans notre salut, la part de Dieu est de 100% et celle de l’humain de 0%. Cela ne vient pas de nous, c’est une pure gratuité, un pur don. 

Ensuite, cela nous conduit à cultiver notre humilité. Ni notre salut ni notre foi ne dépendent de nous. L’apôtre précise que c’est que personne ne puisse faire le fier. Comme il le dit dans une autre épître : Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi fais-tu le fier, comme si tu ne l’avais pas reçu ? (1 Co 4.7).

Prendre conscience de notre salut ne devrait pas nous conduire à la nonchalance, mais, dit l’apôtre à accomplir les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance. Libéré de la question de notre salut, nous sommes disponibles pour vivre l’Évangile. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Amour de Dieu

L’épître aux Éphésiens rappelle que si Dieu nous a sauvés, c’est à cause du grand amour dont il nous a aimés. Ce qui rejoint la grande affirmation de l’évangile de Jean : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique.

Nous devons rappeler ici que l’amour de Dieu ne relève pas du sentiment – Dieu ne trouve qu’on est tous très sympathiques – mais du don : Dieu a envoyé son fils dans l’évangile de Jean et il nous a relevés de nos morts dans l’épître aux Éphésiens. 

L’amour de Dieu est un acte qui a été posé et personne ne peut revenir dessus. Il a envoyé son fils et ce dernier est mort pour nous. Personne, pas même Dieu, ne peut revenir sur ce fait.

Le texte du Premier Testament du dimanche 10 mars

2 Ch 36.14-23 – Relecture de l’histoire 

Le contexte – Les Chroniques

Les textes importants de la Bible sont racontés deux fois de deux manières différentes. C’est ainsi qu’on trouve deux récits de créations, deux versions des Dix paroles, deux récits de la naissance de Jésus, du Notre Père, des Béatitudes, du dernier repas de Jésus, de l’Ascension, de la Pentecôte…

Dans cette série de doublets, nous trouvons aussi deux récits de l’histoire de la royauté dans les livres de Samuel et Rois d’une part, et des Chroniques d’autre part. Cette double narration nous invite à ne pas considérer l’histoire comme une science exacte, mais comme une réécriture qui veut transmettre un message.

Le livre des Chronique est grande fresque qui commence avec une généalogie qui part d’Adam, qui parcourt l’histoire du royaume de Juda et qui se termine par le décret de Cyrus, le roi perse.

Le passage que nous avons lu constitue les derniers versets de la Bible hébraïque puisque les livres de Chroniques sont situés à la fin des autres écrits qui forment la troisième partie de la Bible.

Que dit le texte ? – L’annonce du retour des exilés

Les derniers versets de la Bible hébraïques sont un résumé de l’histoire du royaume de Juda. Ils soulignent l’infidélité des prêtres qui n’ont pas écouté les prophètes que Dieu leur envoyait.

Il s’en est suivie la prise de Jérusalem par les Chaldéens et l’envoi en exil. Le livre se termine par la décision du Cyrus, le roi perse, d’ordonner le retour des exilés et la reconstruction du temple.    

3 remarques sur ce texte :

  • Il souligne l’importance de la terre avec cette interprétation curieuse de l’exil qui correspond à un sabbat de la terre. Le peuple a été envoyé en exil parce qu’il n’a pas respecté les années sabbatiques.
  • La Bible se termine par la décision d’un roi étranger. Le Seigneur passe par des étrangers pour que son peuple retrouve sa terre.
  • La Bible hébraïque ne se termine pas par le retour des exilés, mais par l’annonce du retour. Elle se termine par une promesse que nous pouvons déshistoriciser. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Dieu aime le monde

Le cœur du message de l’évangile de ce jour est que Dieu aime le monde. Dieu n’aime pas que son peuple ni que ses fidèles, il aime le monde, y compris le monde païen, y compris le monde étranger.

Cet amour le conduit à laisser à l’humain sa liberté, mais sans le laisser se perdre, c’est que le théologien Karl Barth a appelé la libre détermination de l’homme dans la libre décision de Dieu. Ce qui est le message du livre des Chroniques.

Dieu n’a pas hésité à passer par un roi perse pour ramener son peuple de son exil en lui demandant d’être fidèle à son Dieu. 

Dieu n’est pas le sauveur des croyants, c’est le sauveur du monde. Ce message doit nous conduire à poser un regard favorable sur la tentative des humains de vivre ensemble dans la paix et la justice, quelles que soient leurs appartenances sociales ou religieuses.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Florence Taubmann