L’évangile du dimanche 14 avril
Luc 24.35-48 – L’apparition du ressuscité aux disciples
Introduction
Le premier verset de notre passage est le dernier du récit de l’apparition de Jésus aux pèlerins d’Emmaüs. Jésus a disparu au moment où il se révélait aux pèlerins dans la fraction du pain. Au moment où les pèlerins témoignent de ce qu’ils ont vécu aux disciples, Jésus se présente au milieu d’eux.
Le récit d’Emmaüs a eu lieu ce même jour, c’est-à-dire le jour de la résurrection. Ce récit est donc parallèle au récit de l’apparition de Jésus de l’évangile de Jean que nous avons médité la semaine dernière.
Points d’exégèse
Attention sur deux points.
Partage des poissons
Lorsque Jésus se manifeste à ses disciples, il leur montre ses mains et ses pieds pour signaler la matérialité de la résurrection. Pour souligner qu’il n’est pas un pur esprit, il partage avec eux un morceau de poisson grillé.
Plusieurs disciples étaient pêcheurs et le poisson renvoie à leur réalité quotidienne. En partageant avec eux un poisson grillé, Jésus les rejoint dans leur vie de tous les jours.
Il leur ouvrit l’intelligence
Les disciples connaissent les Écritures, mais ils n’ont pas encore l’intelligence des Écritures. Il existe plusieurs formes d’intelligences : l’intelligence rationnelle de la logique, mais aussi l’intelligence des relations, de la musique, du bricolage, des langues étrangères… À toutes ces intelligences, notre texte ajoute l’intelligence des Écritures qui consiste à entrer dans la logique de la Parole afin de comprendre le monde comme l’Écriture le comprend. C’est à cette intelligence que nous sommes appelés à travers la méditation des Écritures.
Pistes d’actualisation
1er thème : Lecture des Écritures de Jésus
Dans le récit des pèlerins d’Emmaüs, Jésus a montré aux disciples tout ce qui le concernait dans les Écritures[1]. Dans celui-ci, il leur ouvre l’intelligence en évoquant ce qui est écrit à son sujet dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes.
Les Pères de l’Église ont entrepris une lecture typologique du Premier Testament en relisant certains passages comme des préfigurations du Christ (Sacrifice d’Isaac dans la Torah, Chant du serviteur d’Ésaïe dans les prophètes, Psaume 22 dans les Psaumes). Au-delà de cette lecture, on trouve dans les Écritures l’image d’un Dieu qui fait alliance avec son peuple, qui le libère et qui le relève dans ses épreuves. Le Christ, sa mort et sa résurrection peuvent être interprétés comme le jusqu’au bout de cette entrée de Dieu dans le monde.
2e thème : Il est écrit que le Christ souffrirait et qu’il se relèverait d’entre les morts
Avant la croix, Jésus a annoncé à plusieurs reprises sa passion, mais les disciples ne l’ont pas entendu. Un verset de l’évangile de Luc dit : « Ils n’y comprirent rien ; le sens de cette parole leur restait caché ; ils ne savaient pas ce que cela voulait dire[2]. » Pourquoi Jésus a-t-il annoncé sa passion si les disciples ne pouvaient comprendre ce qu’il disait ? Pour que plus tard, lorsque les événements seront arrivés, les disciples aient la mémoire des annonces, et que cela les porte. Il est plus facile de traverser une épreuve quand on sait qu’elle a été annoncée car nous savons que nous demeurons dans la main de Dieu.
3e thème : Le changement radical pour le pardon des péchés
Le ressuscité envoie ses apôtres partager la Bonne Nouvelle du changement radical pour le pardon des péchés.
Dans le judaïsme, le mot qui désigne le changement radical (ou conversion) est teshouva, il vient du verbe shouv qui veut dire revenir. La conversion ne consiste pas dans l’adhésion à une vérité qui est extérieure au sujet, mais dans la redécouverte d’une vérité qui était première en lui. Lorsque Paul a été visité par le Christ, il persécutait les chrétiens, c’est pourtant lui qui a été appelé. Il a entendu que Dieu l’aimait alors qu’il le persécutait et qu’il l’avait mis à part depuis le ventre de sa mère[3]. C’est ce sentiment d’avoir trouvé sa vraie identité qui lui a fait dire : « Par la grâce de Dieu, je suis ce que je suis ».
Cette libération n’a pas été un oreiller de paresse : « Sa grâce envers moi n’a pas été inutile ; au contraire, j’ai travaillé plus qu’eux tous ; non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi[4]. » La parole de pardon sur son histoire l’a conduit à être témoin.
Une illustration
À propos de la façon dont la mort et la résurrection sont annoncées dans les Écritures, je ne m’arrêterai pas sur un passage particulier, mais sur une lecture générale.
L’histoire du Premier Testament évoque un certain nombre de chutes : Le déluge, la servitude en Égypte, l’exil, qui sont suivis de relèvement : La vocation d’Abraham, la libération d’Égypte, le retour d’exil. Il évoque l’histoire de notre monde comme une série d’effondrements suivis de recommencements. Le couple passion-résurrection récapitule ces tensions. Il nous dit une histoire traversée par des grands malheurs, mais suivis de relèvements car le mal n’est jamais le dernier mot de l’histoire.
[1] Lc 24.27.
[2] Lc 18.34.
[3] Ga 1.15.
[4] 1 Co 15.10.
L’épître du dimanche 14 avril
1 Jn 2.1-5 – Avoir la vérité en soi
Le contexte – La première épître de Jean
La première épître de Jean s’inscrit dans la tradition théologique du quatrième évangile. À une Église qui avait tendance à appréhender la foi sous la forme d’une connaissance supérieure, l’épître répond que la foi est d’abord une vie. La vie du Christ qui s’incarne dans la vie des croyants.
Que dit le texte ? – La vérité du Christ
Le passage que nous avons lu tourne autour de la notion de vérité.
La vérité est d’abord un exercice de lucidité sur nous-mêmes. Les versets qui précèdent notre passage disent que celui qui prétend qu’il n’a pas de péché est un menteur qui s’illusionne lui-même. Personne ne peut affirmer qu’il est parfaitement transparent à la présence de Dieu et qu’il aime son prochain comme lui-même.
La reconnaissance du péché ne doit pas conduire à la culpabilité car elle s’accompagne de la confession qu’en Christ se trouve le pardon : Il est lui-même l’expiation pour nos péchés ; non pas seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier.
Entendre cette annonce de la radicalité du pardon ne doit pas être un oreiller de paresse pour vivre selon notre convoitise, mais une invitation à laisser le Christ faire sa demeure en nous. La foi n’est pas une question de connaissance, mais de demeure. Se savoir pardonné nous oblige à vivre selon l’économie du pardon en vivant l’amour de Dieu en nous et autour de nous.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’économie du changement radical
Lorsque le ressuscité se manifeste à ses disciples, il les envoie pour vivre et partager l’évangile du changement radical pour le pardon des péchés.
Le pardon n’est pas une donnée qui nous est extérieure, ce n’est pas l’affirmation que nous pouvons vivre comme nous l’entendons, il est un don et une exigence.
Le don, c’est de savoir que le Christ est mort pour nous, pour nous réconcilier. Le pardon n’est pas une petite affirmation légère, c’est l’annonce incroyable d’un Dieu qui a quitté son ciel pour aller jusqu’à mourir de la main des hommes pour leur dire qu’il les aime.
Entendre cette annonce devrait nous bouleverser, c’est ce qu’on a appelé l’évangile du changement radical. Jésus a envoyé ses disciples pour partager cette nouvelle : tout homme quel qu’il soit, quoi qu’il ait fait, est au bénéfice du pardon de Dieu. Son amour englobe toutes nos défaillances et nos oublis.
L’épître de Jean nous rappelle que cette proclamation ne passe pas que par des mots, elle doit aussi transparaître dans notre façon de vivre.
Le livre des Actes du dimanche 14 avril
Ac 3.13-19 – Vivre la résurrection
Le contexte – Le relèvement de l’infirme
Après avoir décrit la première communauté chrétienne en disant que les premiers chrétiens étaient assidus au temple, l’auteur des Actes de Apôtres racontent une guérison.
Un jour, en arrivant au temple, Pierre et Jean voient un infirme de naissance qui mendiait. Pierre lui demande de le regarder et lui déclare : Je ne possède ni argent, ni or ; mais ce que j’ai, je te le donne : par le nom de Jésus-Christ le Nazôréen, lève-toi et marche ! Et l’infirme s’est trouvé guéri. Le texte dit qu’il était connu de tous, c’est pourquoi sa guérison n’est pas passée inaperçu. Pierre profite de cette occasion pour annoncer la foi : la guérison était un signe pour soutenir le témoignage des apôtres.
Que dit le texte ? – Les signes de l’Esprit
Pierre commence par ne pas épargner ses interlocuteurs en soulignant leur responsabilité dans la mort de Jésus. Il leur reproche d’avoir demandé la grâce d’un meurtrier (Barrabas) et d’avoir renié le juste que Pilate voulait relâcher. Après avoir dit cela, Pierre annonce que Dieu a relevé des morts celui qu’ils avaient renié.
Pour entendre la portée de ce passage, nous devons nous souvenir que le premier qui a renié Jésus est Pierre lui-même lorsqu’il a dit dans la cour du sanhédrin qu’il ne le connaissait pas.
Pierre ne se présente pas en position de surplomb par rapport à ses interlocuteurs, il se présente comme un pécheur qui a été pardonné et il les appelle à entrer dans cet évangile du pardon pour en vivre.
Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La responsabilité des disciples
Dans l’évangile de la résurrection, Jésus a expliqué à ses disciples ce qui le concernait dans les Écritures. Je me suis souvent dit que Luc, l’auteur du troisième évangile, aurait pu être un peu plus précis sur les textes que Jésus a utilisés pour éclairer les disciples. Nous avons un indice dans ce passage lorsque Pierre déclare : Dieu a accompli de cette façon ce qu’il avait annoncé d’avance par la bouche de tous les prophètes : que son Christ souffrirait.
Lorsque nous pensons à Dieu, nous l’inscrivons dans les registres de la gloire et de la puissance, ce passage nous invite à entendre que Dieu se révèle aussi dans la petitesse et les souffrances, à l’image de l’infirme qui mendiait à la porte du temple.
Enfin la dernière parole que Jésus a dit à ses disciples est : Vous êtes mes témoins. Le ressuscité a décidé de ne pas s’imposer au monde, mais de confier à ses disciples la charge de dire et de vivre son Évangile pour qu’il se répande. Pierre et Jean l’ont été en relevant l’infirme et en proclamant la Bonne nouvelle à la foule qui était rassemblée dans le temple de Jérusalem.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis