L’évangile du dimanche 17 mars

Jean 12.20-33 – Si le grain ne meurt

Introduction

Il faut entendre ce passage en lien avec ce qui précède. Au chapitre 11, Jésus relève Lazare d’entre les morts comme signe pour appuyer l’affirmation qu’il est la résurrection et la vie. Parce qu’il évoque une victoire de la vie, beaucoup mettent foi en lui, ce qui provoque la réaction des religieux qui décident de le tuer. La mort de Jésus est confirmée par l’onction à Béthanie qui préfigure sa sépulture.

Premier paradoxe : il va être mis à mort pour avoir proclamé un évangile de vie.

Deuxième paradoxe : il va être mis à mort, mais sa mort sera sa gloire.

Il va falloir déplier ces paradoxes.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Mon heure est venue

Mon heure est venue. Jusqu’à maintenant dans le quatrième évangile, l’heure n’était pas encore venue[1]et l’heure allait venir[2] ; c’est maintenant l’heure du Fils de l’homme. Le récit se situe juste après les Rameaux qui introduisent la dernière semaine de la vie terrestre de Jésus. Il voit arriver l’heure de sa mort, l’heure où il va être glorifié.

La gloire chez Jean

Dans le quatrième évangile, la gloire de Jésus évoque la croix. Un thème classique en théologie est la tension entre la théologie de la gloire qui insiste sur la victoire du Christ et sur sa présence glorieuse aux côtés du père, et la théologie de la croix qui évoque l’abaissement du Christ, la solitude du grain qui pourrit en terre. C’est la tension entre la mort et la résurrection. Chez Jean, c’est deux théologies se rejoignent puisque la gloire est la croix, et la croix est la gloire.

Pistes d’actualisation

La Transfiguration et Gethsémani

Nous trouvons dans ce passage, deux parallèles avec des passages clefs des évangiles synoptiques qui ne se trouvent pas chez Jean.

Le premier est le récit de Gethsémani dans lequel Jésus mène le combat de la prière pour rester dans la volonté de père jusqu’à la croix. Ici, après avoir évoqué la croix, le récit dit que son esprit est troublé. Il demande au père de le sauver de cette heure, mais il sait qu’il est venu pour cette heure. Jésus sait que son obéissance le conduit à la croix, mais dans son humanité, il ne veut pas souffrir. Qui ne le comprend ?

Le second parallèle est le récit de la transfiguration. Au moment où Jésus annonce qu’il va mourir, une voix vient du ciel pour parler de sa glorification. Nous avons interprété le récit de la Transfiguration comme la confirmation de la passion que Jésus venait d’annoncer.

La logique de la croix

Le grain qui meurt est enfoui en terre et il pourrit jusqu’à perdre la vie, mais de ce pourrissement un épi va naître. Paul reprend cette image dans son chapitre sur la résurrection qui dit notre corps terrestre est comme une graine appelée à mourir en terre alors que notre corps céleste est la plante qui germe de la graine.

L’articulation entre la graine qui meurt et la vie est la réponse à la décision des chefs religieux de faire mourir Jésus. Ils pensaient se débarrasser de lui en le clouant à la croix, mais sa mort va faire éclater sa gloire et permettra à son évangile de se répandre jusqu’aux extrémités de la terre.

La manifestation de Dieu à cause de nous

Après qu’une voix s’est fait entendre, Jésus dit : Ce n’est pas à cause de moi que cette voix s’est fait entendre, mais à cause de vous. On peut même entendre que cette voix est une réponse adressée aux Grecs qui veulent savoir qui et Jésus.

Souvent, nous comprenons les manifestations de Dieu comme des marques d’une grande foi, mais Jésus nous apprend qu’elles sont données à ceux qui ont une petite foi. Si nous avions vraiment la foi, nous n’aurions pas besoin de manifestations spéciales pour croire, l’évangile nous suffirait. Mais comme notre foi est infirme, il arrive que Dieu, par sa grâce, nous adresse des signes comme des petits clins d’œil.

Une illustration : La parabole du grain de blé

Dans son grenier, le grain de blé est heureux. Il règne une douce chaleur et personne ne vient l’embêter. Un jour il est mis en sac, bousculé, transporté jusqu’au moment où il sent une main le saisir. Il est jeté en l’air et tombe dans une terre, froide. Il s’enfonce dans une atmosphère sombre et humide. Il est seul et, avec le temps, il sent que l’humidité fait craquer son épiderme. Elle pénètre jusqu’au plus profond de son être. Dans la nuit, le froid et la solitude il meurt doucement. Quelque temps plus tard, une jeune pousse sort du grain et se dirige vers le haut. Elle traverse la terre et arrive à la lumière. Lorsque le printemps paraît, la pousse se transforme en tige, puis en épi, et chaque épi donne trente, soixante, cent grains nouveaux qui donneront naissance eux-mêmes à des milliers, des millions de fruits.

[1] Jn 2.4, 7.30, 8.20.

[2] Jn 4.23, 5.25.





L’épître du dimanche 17 mars

Hé 5.7-9 – Jésus, les cris et la souffrance

Le contexte – L’épître aux Hébreux

L’épître aux Hébreux est déroutante car elle est adressée à des Hébreux qui ne sont jamais nommés dans le texte et elle cite de nombreux passages du Premier Testament, mais d’après la version grecque de la Septante.

Le thème principal est l’annonce d’un nouveau grand prêtre, d’un nouveau sanctuaire et d’une nouvelle alliance. À travers ces trois éléments, c’est le dépassement du judaïsme qui est évoqué. L’objet de l’épître est de présenter la radicale nouveauté apportée par le Christ qui surpasse l’Ancienne alliance représentée par le judaïsme. 

Pour évoquer cette nouveauté, l’auteur fait appel à un personnage énigmatique du Premier Testament, Melchisédek, qui est présenté comme une figure de ce que sera le Christ. Il est dans le Premier Testament le représentant de la religion universelle qui s’adresse à tous les humains.

En inscrivant le Christ dans l’ordre de Melchisédek, l’épître insiste sur le caractère universel du salut qu’il apporte au monde. 

Que dit le texte ? – Les cris du Christ 

Notre passage évoque les cris, les larmes, les prières et les supplications du Christ devant la mort, ce qui renvoie à un des passages les plus importants des évangiles, la prière de Jésus à Gethsémani. Cette prière fut un combat décrit ainsi par l’évangile de Luc : En proie à l’angoisse, il priait avec plus de ferveur encore, et sa sueur devint comme des gouttes de sang tombant à terre (Lc 22.44). 

Jésus avait annoncé à plusieurs reprises la croix, mais lorsque l’épreuve devient imminente, il a peur et pose sa peur désir devant Dieu : Père, si telle est ta décision, éloigne de moi cette coupe. Le fruit de la prière l’a conduit à passer de sa volonté à celle de Dieu : Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui advienne, mais la tienne (Lc 22.42).

Ce passage nous rappelle que Jésus était un homme qui avait les mêmes peurs et les mêmes larmes que nous et que le salut qu’il apporte au monde n’est pas une décision que Dieu aurait prise dans le confort feutré de son éternité, mais qu’il est le fruit d’un combat.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – le trouble et la gloire

Dans l’évangile de Jean, lorsque Jésus tient le discours sur le grain qui doit mourir, arrive le moment où il est troublé. Son propos n’est pas théorique, il sait qu’il doit passer par l’enfouissement dans les ténèbres de la mort. C’est alors qu’une voix se fait entendre pour dire qu’il sera glorifié.

La gloire du Christ passe par la croix de même que l’épître aux Hébreux déclare qu’après avoir crié, Jésus a été exaucé. Son exaucement n’a pas été d’avoir été épargné, mais d’arriver à l’accomplissement de son existence.

La gloire d’un homme dans la Bible, ce n’est pas d’être connu et vénéré, c’est d’accomplir la vocation de son humanité. 


Le texte du Premier Testament du dimanche 17 mars

Jr 31.31-34 – Connaître le Seigneur

Le contexte – le livre de Jérémie

Jérémie est appelé à parler au nom de Dieu dans une période particulièrement tragique de l’histoire puisqu’il est contemporain du siège de Jérusalem, de la chute de la ville qui s’est accompagnée de la destruction du temple et de l’envoi du reste du peuple en exil. Où est Dieu quand l’histoire vacille ? Jérémie pose la question dans sa prière : Tu es trop juste, Seigneur, pour que je t’accuse ; je veux néanmoins te parler d’équité : pourquoi la voie des méchants est-elle celle de la réussite ? Pourquoi vivent-ils tranquillement, tous ceux qui trahissent ? (12.1).

Mais Jérémie refuse de désespérer, c’est pourquoi il veut voir dans l’épreuve que le peuple traverse, la possibilité d’un temps nouveau. C’est ce qu’il fait dans le passage que nous avons lu qui parle d’une nouvelle alliance. 

Que dit le texte ? – Une alliance nouvelle

L’alliance est le mode de relation entre le Seigneur et sa peuple, elle évoque une collaboration entre l’humain et le divin pour conduire le monde. 

La Bible parle d’un certain nombre d’alliances notamment avec Noé, avec Abraham et avec Moïse. Dans ces différentes alliances, les sages ont remarqué que la part de l’humain était de plus en plus en plus importante, comme si l’humanité accéder progressivement à une certaine maturité. 

Jérémie annonce une évolution dans les alliances en parlant d’une alliance nouvelle marquée par trois points :

  • Je connaissance intime de Dieu : je mettrai ma loi au-dedans d’eux.
  • Une connaissance universelle de Dieu : Tous me connaîtront.
  • Le pardon : Je pardonnerai leur faute, je ne me souviendrai plus de leur péché.

Au peuple qui s’interroge sur son avenir, le prophète répond qu’il sera marqué par une relation renouvelée avec le Seigneur. Les chrétiens ne peuvent s’empêcher de lire dans ce passage une annonce de l’Évangile. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La mort de Jésus

Dans l’évangile, Jésus annonce sa mort, mais il essaye de préparer ses disciples à cette échéance en disant que sa mort n’est pas un échec radical, mais qu’elle peut déboucher sur une nouvelle fécondité : Si le grain de blé meurt, il porte beaucoup de fruit.  

Dans les évangiles synoptiques, la nouvelle alliance est scellée dans la mort de Jésus, c’est ce qu’il a dit lors de son dernier repas lorsqu’il a partagé le pain et le vin en signe de la nouvelle alliance.

Dans le Nouveau Testament, la mort de Jésus a été la marque du pardon de Dieu annoncé par Jérémie et le préalable à l’envoi de l’Esprit qui marquera une connaissance directe de Dieu.

La promesse de l’alliance nouvelle se réalise à la croix et à la Pentecôte. 

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Florence Taubmann